Dans l’art contemporain, des salariés malades du management

Stress Travail et Santé

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Alors que les institutions d’art contemporain mettent régulièrement en avant œuvres et artistes se battant pour un monde plus solidaire, la réalité de ceux qui y travaillent se révèle différente. Management violent, parfois même humiliations : les salariés appellent à une prise de conscience.

Après l’épidémie de coronavirus, le secteur culturel retient son souffle, toujours suspendu aux effets progressifs du déconfinement. Dans le monde de l’art contemporain, biennales et foires sont reportées les unes après les autres, quand les institutions publiques serrent les dents en redoutant le tour de vis budgétaire. Un climat qui risque d’aggraver la grande précarité du secteur, et ses conditions de travail particulièrement dégradées, dont témoignent de très nombreux et nombreuses salarié·e·s interrogé·e·s ces derniers mois.

« L’imaginaire de la crise va se superposer à l’imaginaire de la rareté de l’emploi, de la rareté des opportunités », redoute ainsi Lucas, coordinateur de projet. À 26 ans, le jeune homme a déjà fait un burn-out, épuisé après deux ans et demi de labeur dans un centre d’art parisien, Bétonsalon, qu’il a quitté l’été dernier. Il raconte sans fard les pratiques managériales qui l’ont poussé à bout.

Si, au début, il se considère « privilégié » de n’être qu’un simple témoin des maltraitances subies par ses collègues, il ressent également un fort sentiment de culpabilité face à leur humiliation. « Et prendre leur défense faisait de vous une potentielle victime. » Peu à peu, Lucas se retrouve dans l’œil du cyclone : « E-mails assassins qui expliquent que je fais mal mon boulot ; séances de travail qui se transforment en cris dans le bureau, que tout le monde entend ; sentiment de peloton d’exécution ; moments humiliants et terrifiants… » Il en pleure chaque soir, reste prostré des heures durant, vit des « mois d’enfer », se voit retirer les projets qui lui tiennent à cœur…

Mathilde*, passée par la structure avant lui, raconte la même histoire. Le climat de tension, les cris sur les collègues, la pression, le dénigrement. « Quand je suis partie, j’étais en dépression », souffle-t-elle. Il aura fallu moins longtemps à Clarisse*, qui consulte un médecin seulement deux semaines après le début de son contrat là-bas. « Je faisais des crises d’angoisse. Il m’a proposé un arrêt, j’ai préféré prendre des anxiolytiques. » Un an plus tard, elle quitte le centre d’art « humiliée, avec le sentiment d’être incompétente ».

« Nous devions faire face à une très grosse charge de travail, se défend Mélanie Bouteloup, la directrice mise en cause. De la souffrance, la boule au ventre, un épuisement certain, oui, cela arrivait. Je pense que c’est malheureusement le lot de beaucoup de personnes qui se battent pour défendre leurs idées et construire des alternatives à la société néolibérale d’aujourd’hui. On a des convictions, mais on ne nous donne pas les moyens pour les réaliser convenablement. »

Si elle reconnaît la tension et l’angoisse, elle réfute les accusations de hurlements, humiliations ou e-mails violents. « Nous avions pris la mauvaise habitude de nous envoyer des messages rapides, nous répondant du tac au tac. J’avoue que bien souvent je n’avais pas le temps d’y mettre les formes, mais jamais ils n’ont été insultants, ni méprisants, ni dénigrants. »

Au moment où elle nous répond, avant la crise du coronavirus, la directrice se trouve en arrêt maladie. Depuis, le conseil d’administration de la structure s’est saisi du problème. En effet, plusieurs sources nous confirment un important travail de fond mené actuellement en interne pour améliorer les conditions de travail des salariés. Le conseil d’administration vient notamment d’entériner le départ de la directrice.

Partout en France, de nombreux témoignages de salariés, bien souvent de salariées d’ailleurs, affluent pour décrire des pratiques managériales et des souffrances similaires. Y aurait-il quelque chose de pourri au royaume de l’art contemporain ? À tout le moins, un problème « structurel » pour beaucoup. « Ça gangrène le milieu », assène Chloé*, curatrice indépendante.

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