Fragments de dignité au travail, par Marie Pezé

Honorer le travail, c’est reconnaître la dignité de ceux qui le portent.

Cet article explore les atteintes à la dignité dans le monde du travail, à travers des situations concrètes et bouleversantes : soignants épuisés, ouvriers invisibilisés, cadres désorientés, travailleurs humiliés. Il dénonce la logique managériale qui réduit le travail à des chiffres, effaçant l’humain et le sens. En s’appuyant sur des récits de terrain, il appelle à honorer le travail réel, porteur de civilisation, et à résister à sa déshumanisation au nom de la dignité humaine.

La dignité humaine : un principe non négociable

Le droit à la dignité est restrictif et absolu. Nos libertés individuelles peuvent être restreintes au nom de la sauvegarde de la dignité humaine comme dans l’affaire du « lancer de nain* »…

A Morsang sur orge, en octobre 91 des forains ont prévu un lancer de nains. Les spectateurs vont pouvoir jouir de leurs pulsions partielles voyeuristes, Le nain est parfaitement consentant et selon lui, ce travail lui a redonné sa dignité (avant il vivait du RMI). Mais Il s’agit quand même d’utiliser une être humain affecté d’un handicap comme un projectile. L’arrêté municipal du maire qui s’oppose à cette attraction indigne est aussitôt retoqué devant le Tribunal administratif de Versailles. Saisi par un pourvoi, le Conseil d’État va annuler ce jugement en insérant la dignité de la personne humaine à la liste des « principes généraux du droit » À la dignité invoquée par le nain, il a été opposé la dignité humaine , définie comme attribut de l’humanité.

Je ne serai donc ce soir que la porte-voix des invisibles qui ne savent pas parler de leur travail ou de ceux que l’on n’écoute pas. Ils ne sont pas reconnus, pas considérés. Là commence l’atteinte à la dignité.

Pour reconnaître la dignité du travailleur, encore faudrait-il que son travail soit visible.

Le travail réel est doublement invisible

Invisible pour l’organisation du travail qui s’arqueboute sur la prescription, la procédure, le quantitatif et ne veut rien savoir de ce qui est au fond incontrôlable et inestimable, le travail vivant, ce que nous rajoutons au prescrit pour faire le travail.

Invisible à nous-mêmes puisque nous travaillons « par corps », de façon fluide et réflexe grâce aux mémoires procédurales et de façon zélée car bien travailler, c’est être utile au monde, montrer ce dont nous sommes capables, dans les métiers qui vous paraîtraient les plus improbables. !

Que serions-nous devenus pendant le confinement sans les éboueurs pour ramasser nos déchets contaminés, sans les caissières pour nous nourrir, sans les soignants pour nous sauver ? 10 minutes d’applaudissements sur les balcons n’ont pas suffi pour empêcher les 5000 démissions à l’APHP à cause de conditions de travail indignes.

L’entreprise n’utilise qu’une grammaire financière qui rend le travail réel invisible Et voilà comment, le travail humain, avec sa sensorialité, ses muscles, ses efforts cognitifs, son endurance, son honneur, son âme, disparaît au profit du quantitatif : rythme, temps, cadence, flux, tendus si possible. Les tableaux Excel de la grammaire chiffrée ont-ils une case pour la dignité ?

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* cF. https://www.doctrine.fr/t/lancer-nain

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