Dans le paysage sinistré des urgences, le service de l’hôpital Émile-Muller de Mulhouse ne fait pas figure d’exception. Mais ici, plus qu’ailleurs dans la région, le manque de médecins urgentistes est particulièrement préoccupant.
Pourquoi les médecins partent-ils ?
Parce que les conditions de travail sont dégradées. Le centre hospitalier de Mulhouse subit, comme d’autres en France, la réduction du nombre de lits d’aval pour l’hospitalisation, le manque de médecins à cause du numerus clausus , l’engorgement des services du fait de personnes qui se rendent aux urgences alors que leur pathologie n’en relève pas, le vieillissement de la population… « L’examen médical d’une personne âgée demande plus de temps et celle-ci passe souvent des heures sur un brancard, faute de lits d’aval », rappelle le docteur Kacem.
Un flux supplémentaire
À ces maux nationaux s’ajoute l’absorption d’un flux de patients supplémentaires consécutif à la transformation du service des urgences de Thann en centre de soins non programmés. Cette activité supplémentaire est évaluée à « 15 à 20 patients par jour », par le Dr Sami Kacem. Et ce n’est qu’un début. Les urgences d’Altkirch sont en sursis jusqu’à la fin de l’année. La polyclinique de Saint-Louis dispose, elle, d’un service ouvert 24h sur 24. Même chose à Guebwiller.
Une architecture et des locaux inadaptés
Autre point noir propre aux urgences de Mulhouse : « l’architecture et l’organisation du service » ne sont plus adaptées pour accueillir autant de personnes, soit 150 à 160 patients en moyenne par jour, avec des pics à 180-190. Le bâtiment des urgences date de 1978 et malgré plusieurs rénovations, dont la dernière a été l’aménagement de nouveaux locaux du Samu en 2018, « le circuit du patient n’est plus cohérent. Il fait des allers-retours dans le service. Le scanner est au premier étage, la radiologie est au rez-de-chaussée, la réanimation chirurgicale est loin… » Et puis, faute d’espace (actuellement le service dispose de 10 boxes quand il en faudrait « au moins le double »), les gens sont pris en charge dans les couloirs « contre tout respect de l’intimité et du secret médical. Les patients dévoilent leur corps et leur âme meurtris au vu et au su de tous. C’est de la maltraitance. C’est de la souffrance morale pour le patient, mais aussi pour le soignant qui n’a plus les moyens de faire autrement. »
« Travailler dans des conditions correctes »
« Ça fait plusieurs années qu’on alerte la direction de l’hôpital sur le fait que les conditions se dégradent et qu’il va y avoir des départs », explique le Dr Sami Kacem sans accabler la direction actuelle. « La nouvelle directrice (Corinne Krencker, en poste depuis le mois de septembre 2018) a multiplié les réunions avec le personnel pour essayer de trouver des solutions afin de sortir de la crise », assure-t-il. Lui a fait le choix de rester. « Vous savez, j’ai un attachement moral à ce service dont je suis le doyen. Je souhaiterais laisser à mes jeunes collègues un héritage qui permette de travailler dans des conditions correctes, pour qu’ils puissent s’éclater comme j’ai pu m’éclater quand j’ai commencé et que nous avions tout. »
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