Déni, sous-estimation du risque, suppression à venir de la principale instance qui puissent aider les victimes, le rapport de la médiatrice de l’Éducation nationale, Catherine Becchetti Bizot ose soulever un sujet d’importance : le harcèlement des personnels dans l’Éducation nationale. Son rapport invite l’institution à clarifier le rôle des différents intervenants.
Déni
« Je me suis sentie extrêmement en danger suite à cet entretien, la situation ne pouvant devenir qu’invivable au sein de l’établissement et chaque jour dans la classe. Je suis aujourd’hui sous traitement et traumatisé par ce qui s’est passé. Je ne connais ni les tenants ni les aboutissants, je ne sais qui a pris part aux conversations, ni les reproches qui me sont ou pourraient m’être adressés. La perspective d’être mis à mal, accusé et renvoyé alors que depuis trois ans mes états de service sont excellents est terrifiante. Le sentiment d’injustice et d’impuissance est terrible. Finir par cette situation est extrêmement violent, abandonner un métier que j’aime et que j’ai choisi après une reconversion professionnelle est terrible. Je méritais le soutien de ma direction, son écoute et sa confiance ». C’est un des témoignages remontés par la médiatrice de l’Éducation nationale, Catherine Becchetti Bizot dans son rapport annuel qui porte sur l’année 2019.
Les cas de harcèlement signalés à la médiatrice et son réseau de médiateurs académiques restent faibles : 62 en 2019, ce qui est quand même une belle hausse par rapport à une moyenne de 50 cas entre 2015 et 2019. Ce chiffre est surement très bas par rapport au nombre de situations réelles.
« Si le harcèlement subi par des élèves est un phénomène relativement connu et désormais bien cadré, celui qui touche les enseignants ainsi que les personnels administratifs, où se mêlent d’autres problématiques complexes, paraît moins bien appréhendé et n’est souvent évoqué que parce qu’il fait l’objet parfois de polémiques et d’événements médiatisés », explique la médiatrice. « Il semble que l’administration fasse encore preuve d’un empressement insuffisant pour reconnaître et prendre en compte les cas de harcèlement. Une forme de défiance et de déni existe parfois face à ces situations, voire envers ceux qui les évoquent ; c’est une attitude partagée par bon nombre de décideurs publics. Les médiateurs eux-mêmes font parfois preuve d’une grande réserve ou « frilosité » dans leur approche, alors même que ces situations requièrent, parfois dans l’urgence, une écoute et une attention toutes particulières ».
Ce déni se retrouve dans les cas particuliers exposés dans le rapport. « Il ressort des bilans quantitatifs et qualitatifs produits par le réseau des médiateurs académiques de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur – notamment des extractions faites à partir de la base de données Média de la médiation nationale sur ce thème – que les questions et saisines relatives aux RPS, et plus spécifiquement au harcèlement moral, demeurent bien présentes, en administration centrale comme en académie et dans les établissements scolaires et universitaires. Même si les saisines des médiateurs ne peuvent prétendre représenter dans son ensemble la situation du système éducatif, elles rejoignent les constats faits par les inspecteurs santé et sécurité du travail (ISST), avec lesquels la médiatrice a pu échanger à plusieurs reprises, et qui eux-mêmes sont saisis de manière croissante de ce type de situations ».
Recommandations
La médiatrice note par exemple que les documents uniques d’évaluation des risques professionnels (DUERP) sont rarement remplis alors qu’ils sont obligatoires. Les risques psycho-sociaux en général sont méconnus dans l’Education nationale. Quant au réseau de médecins de prévention il est « largement en deça de la réalité des besoins à couvrir ».
Aussi la première recommandation de la médiatrice concerne les DUERP : elle demande qu’ils soient réellement réalisés. Mais elle souhaite aussi « une évolution des modes de management des personnels… en encourageant le partage et l’équilibre des compétences entres collaborateurs et encadrants, sources de motivation commune ; en développant la culture du respect mutuel et de la bienveillance, avec une attention toute particulière à l’encadrement intermédiaire ».
Elle pose aussi la question des CHSCT, en première ligne sur ces questions. « Il n’est pas certain que les CHSCT (académiques et/ou départementaux) aient les moyens d’être correctement informés des dossiers individuels de ce type au sein des EPLE et d’agir dans des délais utiles. Il conviendra donc de pallier les éventuelles insuffisances opérationnelles rencontrées, au regard notamment du calendrier annuel réglementaire des réunions de ces instances et de la nécessité d’intervenir parfois dans des délais plus brefs en particulier en matière de harcèlement ». La crise sanitaire a rappelé le rôle incontournable des CHSCT. Le rapport de la médiatrice le souligne lui aussi. Pourtant ces instances sont appelées à disparaitre suite à la loi de transformation de la fonction publique. On mesure à quel point ce serait une erreur.
La médiatrice recommande que les médiateurs académiques puissent saisir directement les recteurs des cas de harcèlement et que l’enquête administrative soit confiée aux inspecteurs santé et sécurité au travail. Elle demande l’actualisation de la circulaire ministérielle de février 2007 sur le harcèlement.
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