Pierre-Yves Montéléon : « La prévention rapporte plus à la société qu’elle ne lui coûte »

Mise à jour le 10 juillet 2025 | Stress Travail et Santé

Quelle place pour la prévention des risques professionnels dans le monde économique d’aujourd’hui ?

Pierre-Yves Montéléon est président du conseil d’administration de l’INRS pour deux ans depuis le 27 mars dernier [2025]. Pour ce dernier, il est essentiel de considérer la prévention comme un investissement indispensable, tant pour le monde du travail que pour l’ensemble de la société, et non comme un simple coût budgétaire.

Travail & Sécurité. Vous débutez un second mandat comme président du Conseil d’administration de l’INRS, quel constat tirez-vous de la place de l’Institut dans le monde du travail d’aujourd’hui ?

Pierre-Yves Montéléon. Plus que jamais, les activités et missions de l’INRS (notamment via ses quatre modes d’action principaux : recherche, assistance, formation et information) sont indispensables vis-à-vis des intérêts conjoints des travailleurs et des employeurs, et même, au-delà, pour l’ensemble de la société.

Nous le savons bien depuis des décennies : ce qui profite à la santé des travailleurs –  que l’OMS définit comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité – participe aussi à une meilleure santé publique. Dans ce cadre, il faut absolument conserver, voire augmenter les moyens (financiers et humains) dont dispose l’INRS, et qui lui sont versés à partir d’un fonds issu des cotisations sociales des entreprises.

Face à des pouvoirs publics mouvants et incertains, que faire et comment ?

Depuis près de vingt ans, tous régimes confondus, chaque jour, en moyenne trois à quatre personnes perdent la vie au travail ! […] Pourtant, face à nous, les gouvernements successifs ne semblent pas prendre la mesure de la nécessité d’investir dans ce sujet

P.-Y. M. Je me base sur un constat affligeant. Du point de vue de la sinistralité, les données sont têtues : depuis près de vingt ans, tous régimes confondus, chaque jour, en moyenne trois à quatre personnes perdent la vie au travail ! C’est intolérable.

Face à de tels chiffres, on ne peut que souhaiter un renforcement de la prévention dans les entreprises et auprès des travailleurs. La prévention est d’ailleurs l’un des exemples les plus frappants d’un véritable consensus entre les partenaires sociaux : la préservation, voire l’amélioration, de la santé au travail est considérée par tous comme un enjeu prioritaire, et la signature d’accords (ANI sur la prévention de 2020, par exemple) en est l’une des preuves.

Pourtant, face à nous, les gouvernements successifs ne semblent pas prendre la mesure de la nécessité d’investir dans ce sujet. Alors que de nombreuses études montrent que la prévention rapporte à la société plus qu’elle ne lui coûterait si elle n’existait pas, quand il s’agit de voter les budgets, les ministères ne considèrent que les aspects budgétaires « bruts », en se focalisant sur les coûts de fonctionnement au détriment des investissements.

La solution existe : elle réside dans les accords nationaux déjà signés, de même que dans la loi sur la prévention renforcée de 2021 dont nous attendons toujours les décrets d’application sur de nombreux points.

Le monde des acteurs de la prévention est d’une richesse, voire d’une diversité, parfois déconcertante. Comment les rendre plus efficaces ?

P.-Y. M. Nous disposons de nombreux moyens et leviers d’action : d’une part, un réseau national dédié à la prévention, à travers l’Assurance maladie-risques professionnels, avec la Cnam et les Carsat, et auquel l’INRS est associé.

Nous avons aussi des acteurs sectoriels très actifs : l’OPPBTP, la MSA pour le régime agricole. Il serait utile de réfléchir à des coopérations encore plus étroites entre tous ces organismes, de même qu’avec les agences nationales telles que l’Anact ou l’Anses. Enfin, au plus près du terrain, il y a le réseau des services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI), qui sont aussi placés sous des gouvernances paritaires.

L’ensemble de ces acteurs doivent apprendre à plus et mieux travailler ensemble, afin de faire progresser la culture de prévention au plus près du terrain. Mais là encore, il manque une volonté, voire une ambition politique, de les faire vivre et travailler ensemble.

Lire l’intégralité de l’entretien sur le site www.travail-et-securite.fr

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