Le présentéisme au travail ou les stakhanovistes de la pendule

Stress Travail et Santé

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Rester au bureau le plus longtemps possible pour montrer qu’on bosse… Une manie très française aussi répandue qu’improductive.

Récemment interrogé au micro de France Inter sur ses gestes « pour la planète », François Hollande a raconté que, durant son quinquennat, le soir, il éteignait lui-même les bureaux de ses collaborateurs pour éviter le gaspillage électrique. ­« Certains voulaient peut-être montrer qu’ils travaillaient la nuit et laissaient la lumière », a précisé, avec humour, l’économe corrézien. Cette anecdote élyséenne illustre jusqu’à l’absurde la ­culture du présentéisme qui règne en maître au pays des 35 heures.
Alors qu’on imagine facilement la France comme un repaire de tire-au-flanc vindicatifs, c’est au contraire le pays qui a le plus fort taux de présentéisme en Europe. D’après une étude Loudhouse pour Fellowes, 62 % des salariés vont au travail même lorsqu’ils sont malades. « C’est en partie pour lutter contre cette caricature du Français absentéiste que les gens veulent se montrer présents au ­bureau », explique le sociologue Denis Monneuse, auteur de l’ouvrage Le Surprésentéisme. Travailler malgré la maladie (De Boeck, 2015).

Fakirs d’open space

En 2018, 23 % des salariés ont renoncé à prendre l’arrêt de travail prescrit par leur médecin, alors qu’ils n’étaient que 19 % en 2016 (étude Malakoff Médéric, 2018). « Dans l’enseignement, quand tu restes chez toi, c’est souvent tes collègues qui doivent reprendre ta classe. Comme je ne souhaitais pas les surcharger, il m’est ­arrivé d’aller travailler avec plus de 39 °C de fièvre et la tête qui martèle, explique ­Renée Cluzeau, institutrice. Même lorsque j’ai été opérée d’un sein, j’ai fait une convalescence minimum. Par contre, la minorité qui s’arrête pour un oui ou pour un non est souvent mal vue par les confrères. »
Au-delà de cette dimension solidaire, comment expliquer, au pays d’Alexandre le Bienheureux, cette incroyable pulsion qui pousse les grippés à bouder leur couette ?
« En période de crise, la peur du chômage avive le désir de se faire bien voir en se montrant présent, explique Denis Monneuse. C’est un phénomène qui touche tout le monde, du ­patron qui veut se croire irremplaçable au travailleur en intérim, qui espère décrocher un CDI en multipliant les heures. »
Cette forme démonstrative de relation au travail repose sur un lien supposé ­entre implication professionnelle et ­occupation physique de l’espace. L’inconvénient, c’est qu’elle met dans le même panier les stakhanovistes et les fakirs de bureau, capables de rester assis durant huit heures sans se lever de leur siège.

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