85% des salariés français déclarent être régulièrement confrontés à un conflit au travail*. De quoi s’inquiéter si on pense souffrance au travail, risques psychosociaux et performance collective.
En effet, à partir d’un certain stade de développement d’une relation perturbée, les salariés en conflit ne peuvent plus revoir seuls le registre de leur relation, comme sous un effet de cliquet rendant impossible la redescente.
Or, ni les managers, ni les équipes RH ne disposent d’une expertise spécifique en gestion des conflits, si ce n’est celle acquise au fil de leur expérience. Et même dans ce cas, ils pâtissent d’un manque d’extériorité par rapport aux protagonistes qui peut ruiner leurs tentatives d’amélioration du « problème ». Et laisser le conflit sans traitement.
Quelles conséquences pour l’entreprise ?
Pourtant les conséquences peuvent être lourdes pour l’entreprise (désorganisation, motivation et performance en baisse, risques psychosociaux), et in fine pour les salariés eux-mêmes puisque l’employeur devra prendre des décisions indispensables pour faire cesser l’atteinte au fonctionnement du service (mutation, sanction, licenciement…). Le statu quo n’est dans l’intérêt de personne mais les moyens pour sortir de l’impasse sont limités en interne. L’aide d’un médiateur vaut-elle alors la peine ?
D’après le CMAP (Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris), le nombre de dossiers liés à des problématiques de conflits en rapport avec des relations interpersonnelles au travail a augmenté de 75% entre 2017 et 2016, tandis que le Médiateur des entreprises indiquait que son activité avait été multipliée par 10 au plus fort de la crise liée à la Covid-19**. Le taux de réussite élevé de la médiation (près de 75 % en 2020 en médiation sociale conventionnelle, selon le CMAP) en fait un outil à considérer dans nombre de situations de blocages. Encore faut-il savoir dans quels cas la médiation entre salariés peut jouer et sous quelles conditions.
Pré-requis pour la médiation salariale
Tous les cas de mésententes/conflits entre deux salariés (ou plus), qu’il s’agisse de collègues de même niveau hiérarchique ou entre collaborateur et manager, peuvent faire l’objet d’une médiation à la condition qu’ils soient tous deux soumis à l’autorité de l’employeur.
Trois autres conditions sont nécessaires pour qu’une médiation se termine bien :
- L’impasse provoquée par le conflit doit être pénible pour toutes les parties prenantes (sinon elles peuvent préférer le statut quo, voire continuer l’affrontement).
- Une décision imposée (par un juge ou par la direction) doit être perçue comme trop risquée/aléatoire.
- Une issue crédible doit pouvoir se profiler.
Si ces conditions sont bien présentes, le médiateur pourra réunir les protagonistes autour d’une table afin d’initier un état d’esprit constructif chez les parties. Le médiateur va d’abord agir au niveau émotionnel de la relation, pour se recentrer ensuite sur le contenu du ou des désaccords (il ne servirait à rien de se pencher sur le contenu du désaccord tant que les parties ne se font pas confiance).
Dans la boîte à outils des médiateurs, on trouve des instruments de gestion des émotions et des conflits, de l’analyse systémique, de la communication non-violente, de l’écoute active.
Grande variété de situations
Pour les conflits ouverts :
Ce ne sont pas les conflits les plus bruyants qui sont les plus difficiles à résoudre. Au contraire, la pression collective, l’évidence et/ou l’imminence d’une décision patronale, poussent fréquemment les parties à s’engager sincèrement dans une médiation. Plus la médiation est déclenchée rapidement, plus elle a de chance de réussir car la « désescalade émotionnelle » et le coût psychologique des concessions sont plus facile à accepter.
Pour les conflits larvés :
On se trouve plus souvent en présence de « comportements passifs-agressifs » dans le monde professionnel. Cela se traduit par un ensemble d’attitudes qui expriment indirectement une hostilité cachée, non assumée ouvertement ou inconsciente pour le salarié. Les exemples de résistance passive sont nombreux : mauvaise volonté dans l’exécution des instructions (tout en les respectant facialement), absence d’initiative, absence de participation active à des réunions, lenteur excessive, rigidité, déloyauté… La confidentialité des échanges en médiation permet d’exprimer (et de résoudre) ce qui resterait dans le registre du non-dit et des faux-semblants.
Enfin, la médiation fait partie des moyens prévus par le code du travail pour protéger la santé mentale des travailleurs (art. L4121-1 du code du travail), notamment pour sortir des situations de harcèlement moral (art. L.1152-6).
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Notes
* Étude menée par le cabinet européen OPP 2008.
** Communiqué de presse du Ministère de l’économie du 1er juillet 2020.