Confinés à domicile où ils ont été et restent parfois branchés à leur ordinateur et smartphone 24 heures sur 24, sans temps mort entre leurs temps de vie, de nombreux salariés, cadres dans leur grande majorité, souhaitent un « droit à la déconnexion » concret.
Si les outils numériques permettent de travailler presque partout sans perdre de temps, cela peut vite devenir synonyme de « disponibilité permanente », déplorent nombre de ceux qui ont fait l’expérience du « télétravail forcé permanent » depuis le début de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19.
À ce jour, « aucune contrainte ni sanction n’est prévue pour les employeurs qui ne respecteraient pas le droit à la déconnexion, sauf à faire reconnaître un problème de santé lié à une “surconnexion” en accident de travail », explique Jean-Luc Molins, secrétaire national de l’Ugict-CGT (CGT des cadres et ingénieurs). « Avec le télétravail, toutes les barrières entre les temps de vie sautent : on est tout le temps connecté avec une charge de travail en forte hausse », estime Nayla Glaise, déléguée CGT au cabinet de conseil Accenture, et membre du syndicat européen Eurocadres.
Un droit qui existe depuis 2017 en France
Introduit dans la loi française en 2017, dans le cadre des négociations obligatoires d’entreprise, le « droit à la déconnexion » entend permettre aux salariés de ne pas répondre à des courriels, appels téléphoniques et autres sollicitations numériques professionnelles en dehors du temps de travail, sans en pâtir.
Une enquête de l’Ugict-CGT réalisée avec la Dares début mai auprès de 34 000 salariés, soulignait que « près de 80 % des télétravailleurs » ne disposaient pas d’un droit à la déconnexion et que « 40 % des encadrants » déploraient une hausse de leurs temps et charge de travail. « Confrontés eux-mêmes au problème pour la première fois, nombre de cadres dirigeants ont compris que cette question est centrale », relève Mme Glaise pour qui néanmoins des réticences demeurent pour organiser différemment le travail.
« L’hypercontrôle à la limite du harcèlement »
Elle cite le cas de « salariés à bout, se disant “fliqués” et qui n’osent pas s’éloigner cinq minutes de leur ordinateur » et celui d’une salariée, victime « d’un éclatement du nerf optique, reconnu comme accident du travail ».
Avec le télétravail à haute dose, « certains managers ont su éviter les pressions inutiles mais d’autres se sont mis dans l’hyperactivité ou l’hypercontrôle à la limite du harcèlement », témoigne Philippe (prénom changé), cadre d’un grand groupe de l’Énergie.
Pour Sébastien Crozier (CFE-CGC) d’Orange, « le droit à la déconnexion n’est que le révélateur des pratiques managériales : on parle de “droit” car on reste dans une logique d’abus, alors que c’est l’entreprise qui devrait avoir l’obligation de manager correctement », dit-il.
« En pratique, ce droit n’existe pas », estime un ingénieur en génie logiciel d’un grand groupe de conseil en informatique. L’autorégulation ? « Un joli mot quand la logique de l’immédiateté s’applique avec les messageries et que le choix du salarié de se déconnecter est un choix par défaut car il est tenu au résultat », ajoute-t-il.
Pour Matthieu Trubert, délégué CGT à Microsoft France, « c’est un équilibre difficile à trouver entre une organisation du travail qui pousse à travailler toujours plus, des salariés qui doivent savoir s’arrêter, et des managers qui n’ont pas la liberté effective d’adapter le travail ».
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