Notre hôpital, c'est vital

05 mars 2012 | Magazine

De grands noms défendent les savoir-faire du CASH de Nanterre :
Extrait de la déclaration de Lyon
Congrès des cinq continents
par Jean Furtos, Président

Chaque époque est soumise à de puissants processus qui influencent la manière dont les gens vivent en société. Notre époque est marquée par les effets psychosociaux de la mondialisation néolibérale, et ce dans les cinq continents. Elle produit une précarité qui se caractérise par une incertitude sur le lien social, d’abord constatée sur les plus pauvres et les plus malades, mais non moins présente au cœur de nos sociétés. Cette incertitude fragilise les principes de vie comme les étayages sociaux et produit une triple perte de confiance : en soi, en autrui, en l’avenir.
Le mot précarité n’a pas seulement la signification négative qui lui est ordinairement attachée, synonyme d’incertitude, de risque de catastrophe, de pauvreté.
Dans la plupart des langues d’origine latine, précarité vient du terme latin precari qui signifie : dépendre de la volonté de l’autre, obtenir par la prière.
L’état de précarité, dans ce sens, est antagoniste et complémentaire de l’autonomie. Il signifie une dépendance à respecter, évidente chez le bébé même si l’on reconnaît ses compétences ; non moins évidente chez la vieille personne mais aussi à tous les âges de la vie.
Les situations de maladie, de traumatisme, de fragilité particulière augmentent le niveau de précarité qui signifie tout simplement et positivement : avoir absolument besoin de l’autre, des autres, pour vivre.
Dans cette perspective, on peut parler d’une saine précarité définie par le besoin d’un support social à tous les âges de la vie, dans la réciprocité de l’échange. Par rapport à la notion utile de vulnérabilité, celle de précarité a le mérite précieux, en cette époque individualiste, d’inclure l’autre, les autres, dans sa définition.
 

Déclaration de Lyon

1. Les êtres humains, libres et égaux en droit, naissent et demeurent précaires tout au long de leur vie dans la mesure où ils ont absolument besoin d’autrui pour vivre.
2. Cette précarité native est l’un des moteurs du maintien de la vie grâce aux liens interhumains, familiaux et sociaux ; elle s’oppose à l’exclusion.
3. Cette précarité native ne doit pas être confondue avec le seul sens négatif qui lui est ordinairement attaché. Elle ne doit pas non plus être assimilée à la pauvreté, bien qu’elle lui soit souvent associée.
4. Les conditions qui favorisent des liens humains suffisamment confiants constituent la base d’une saine précarité et concernent toute personne en charge sur le plan social, économique et politique ; elles impliquent la justice et l’équité, et donnent force au sentiment personnel d’une maîtrise de l’avenir auquel chacun peut activement participer.
5. L’ignorance de ces conditions est aussi néfaste à l’individu et à la société que celles touchant aux atteintes de la liberté et de la sûreté, elle fait violence aux personnes. Toutes les violences ne sont pas du registre d’une cruauté « chaude », comme la torture, par exemple : il faut savoir reconnaître les cruautés « froides », de plus en plus importantes, du registre du mépris social, de la disqualification et de l’exclusion.
6. Les contextes sociaux, économiques et politiques sont susceptibles de faire basculer massivement les liens humains du côté de la méfiance, entraînant alors une précarité négative, avec des effets péjoratifs sur la santé mentale. Ces effets portent sur le rapport à soi, à la famille, aux groupes humains et sur le rapport crucial à l’avenir. Ces effets peuvent être décrits de diverses manières, notamment qualifiés de dépression, de repli sur soi, d’atomisation des individus, de paranoïa sociale, de disparition de tout projet d’avenir autre que catastrophique.
7. Ainsi le respect effectif de l’écologie du lien social fait intégralement partie des déterminants sociaux de la santé mentale ; cette écologie du lien social doit être envisagée dans une acception systémique et globale, non réductible aux symptômes et aux désordres traités par la psychiatrie.
8. Dans cette perspective, une santé mentale suffisamment bonne peut être définie comme suit :
– la capacité de vivre avec soi-même et avec autrui, dans la recherche du plaisir, du bonheur et du sens de la vie,
– dans un environnement donné mais non immuable, transformable par l’activité des hommes et des groupes humains,
– sans destructivité mais non sans révolte, soit la capacité de dire « NON » à ce qui s’oppose aux besoins et au respect de la vie individuelle et collective, ce qui permet le « oui »,
– ce qui implique la capacité de souffrir en restant vivant, connecté avec soi-même et avec autrui.
9. A ce moment de l’histoire humaine, le contexte social, économique et politique est celui de la mondialisation. Nous devons affirmer sa forte potentialité à rendre les humains fous d’angoisse et d’incertitudes quant à la fiabilité des liens sociaux ; il affecte les assises symboliques des cultures et des personnes, il affecte la notion même d’avenir et de projets porteurs de sens. En tout cela il est antagoniste aux Droits de l’Homme.

Depuis ses débuts comme psychiatre des hôpitaux, Jean Furtos étudie les nouvelles causes de dysfonctionnements mentaux de ses patients, en partant du principe qu’ils sont souvent d’origine sociale. C’est dans cette perspective qu’il fonde en 1996, à Rennes, l’Observatoire régional Rhône-Alpes sur la souffrance psychique en rapport avec l’exclusion (ORSPERE), dénommé depuis 2002, au regard de ses activités nationales, l’Observatoire national des pratiques en santé mentale et précarité. A travers cette institution, Jean Furtos entend mettre sur pied de nouvelles structures pour accueillir et suivre les patients, et faire travailler conjointement non seulement des psychiatres, mais aussi des médecins libéraux, des travailleurs sociaux, des psychologues, etc. Il développe par ailleurs ses théories au fil de nombreux articles publiés dans les magazines Rhizome et Soins Psychiatrie, ainsi que d’ouvrages détaillés sur la question, tels que ‘La Santé mentale en actes – de la clinique au politique’ (2005) ou ‘Les Cliniques de la précarité : Contexte social, psychopathologie et dispositifs’ (2008). Par ces réflexions, Jean Furtos continue de défendre l’hypothèse d’un lien étroit entre l’expérience de la précarité, de l’isolement, produite par la société et présente essentiellement dans le milieu du travail, et les troubles psychiques des individus.

 

 
Mardi 24 janvier, des militant-e-s de l’intersyndicale des personnels de l’hôpital Max Fourestier ont tenu pendant deux heures le haut du parvis de la cathédrale Notre-Dame, près de la Préfecture de Paris, où le Conseil d’Administration du CASH était convoqué. Jacqueline Fraysse, députée, Nadine Garcia, Conseillère générale, qui siègent à ce CA, ainsi qu’une délégation du Comité de soutien et de modernisation de l’hôpital de Nanterre, étaient présentes dès 9H30 pour soutenir activement le rassemblement. Des touristes, des enseignants et leurs élèves, venus visiter la cathédrale, ont marqué leur sympathie pour cette manifestation , sous l’œil vigilant des policiers d’une Compagnie Républicaine de Sécurité.
De nouvelles initiatives sont à inventer, pour que la mobilisation des personnels et des Nanterriens franchisse un nouveau cap, en s’appuyant sur le succès de la manifestation du 24 Janvier, et sur les milliers de pétitions qui ont été signées et transmises au Ministère de la santé le 7 février.
 

A lire dans le magazine

Travailler, quel boulot!

Mardi 16 Avril, une rencontre parisienne autour du livre de Anne Flottes: Travailler, Quel Boulot!

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Une nouvelle grande rubrique: Souffrance et Travail met en ligne tous ses supports de formation. Diaporamas, textes et vidéos – une collection de documents privilégiés à partager avec tous les acteurs du travail.

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L’Ecriture au Travail, un évènement à la bibliothèque municipale de Lyon, avec Tatiana Arfel et Marie Pezé.

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