4h45 du matin, c’était le top départ de la visite qu’ont rendue ce mardi Jean-Marc Ayrault, Marisol Touraine et Michel Sapin à l’équipe de nuit d’un chantier de construction, à Vélizy-Villacoublay. Un horaire très matinal destiné mettre en lumière une partie des «mesures de justice» que le gouvernement entend prendre dans le cadre de sa réforme des retraites présentée mi-septembre. Aux mesures financières vouées à renflouer les caisses de la sécurité sociale, il souhaite en effet adjoindre un volet pénibilité, qui prenne en compte dans le calcul de la retraite l’impact de conditions de travail difficiles, notamment le travail de nuit.
Dans le code du travail, la pénibilité recouvre une multitude de situations. Il s’agit en effet d’être exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels. Parmi eux: une posture pénible, un travail répétitif, le fait de porter des objets lourds, de travailler de nuit, d’être exposé à des produits chimiques, au bruit, à des températures extrêmes… Au sein de ces facteurs, ceux qui relèvent d’une contrainte physique «intense» tendent à devenir moins fréquents. En 2010, 40% des salariés du privé étaient amenés à rester debout, à porter une lourde charge ou à effectuer des gestes répétitifs dans le cadre de leur travail. C’est nettement moins qu’au début des années 1990, souligne une étude de la Dares.
«Compte de pénibilité»
En revanche, la part des salariés qui font face à des horaires décalés n’a cessé de progresser. En 2009, 15% travaillent la nuit (soit 3,5 millions de personnes), pour la moitié de façon habituelle. Cette proportion a plus que doublé en vingt ans. La pratique concerne au premier chef les conducteurs de camions, les employés de l’armée ou de la police, les pompiers et les infirmiers, mais elle a fortement progressé dans l’industrie parmi les femmes, notamment dans l’agroalimentaire et l’automobile. Pour beaucoup de ces travailleurs de nuit, c’est la triple peine: il leur arrive plus souvent de travailler le week-end et leur travail est plus stressant. Ils sont sans surprise beaucoup plus nombreux à déclarer qu’ils ne «tiendront» pas jusqu’à leur retraite.
Dans le cadre de la réforme des retraites de 2010, le gouvernement Fillon avait timidement commencé à prendre en compte la pénibilité des carrières. Les invalides à plus de 10% pouvaient en effet prétendre à partir à la retraite à 60 ans au lieu de 62 ans, sous certaines conditions. Mais seules 5300 personnes ont bénéficié de ce dispositif au 31 mai dernier, alors que le gouvernement tablait à l’époque sur 30.000 bénéficiaires.
Les syndicats appellent le gouvernement Ayrault à aller plus loin.Ce dernier a confirmé ce mardi qu’il prévoyait la mise en place d’un «compte de pénibilité», piste déjà évoquée par le rapport Moreau. Les salariés concernés cumuleraient progressivement des droits, qu’ils pourraient convertir, au choix, en temps de formation pour se reconvertir, en temps partiel pour leur fin de carrière, ou en trimestres de cotisation. La CFDT souhaiterait que chaque salarié gagne un an de crédit pour dix ans travaillés dans des conditions pénibles. Mais pour la CGT, ce dispositif est insuffisant, quelles que soient ses modalités. Elle réclame un départ anticipé à 55 ans, «voire avant pour certains métiers». La mesure sucite aussi l’hostilité du Medef, qui redoute une hausse consécutive du coût du travail. D’un coût de 2 milliards d’euros par an, la mesure serait en effet en partie financée par une hausse des cotisations dont s’acquittent les employeurs.
Lire l’article sur le site du Figaro.