Des chercheurs ont étudié l’effet des conditions des repas dans un cadre professionnel. Déjeuner sur son lieu de travail aurait des effets négatifs, mais améliorerait aussi certaines capacités intellectuelles.
L’heure du déjeuner tourne parfois au dilemme chez certains Français soucieux de leur bien-être. En effet, la décision – entre un repas derrière son écran d’ordinateur et un restaurant entre collègues – serait loin d’être sans conséquences pour la santé physique et mentale. Le mois dernier, des chercheurs de l’université Humboldt à Berlin ont révélé dans la revue scientifique Plos One l’impact de ces deux habitudes alimentaires opposées.
Les chercheurs ont réuni un échantillon de 32 femmes, qu’ils ont séparées en deux groupes: les premières devaient consommer seules un plat préparé au bureau dans un temps imparti (de 15 à 20 minutes), tandis que les secondes profitaient d’une pause prolongée et conviviale dans un restaurant italien. À l’issue du repas, les deux cohortes se rendaient au laboratoire passer une série de tests, afin de mesurer leurs émotions et leurs performances intellectuelles.
Plusieurs résultats émergent de leurs observations. Le premier test sur les émotions montre que les salariées qui mangent au restaurant seraient plus détendues que celles qui déjeunent devant leur écran. En revanche, la seconde série de tests, davantage portée sur les facultés mentales, prouve que la rigueur intellectuelle s’affaiblirait à mesure que le repas s’éternise. Selon les chercheurs, une alternative serait de faire varier les conditions de la pause déjeuner en fonction des tâches à effectuer dans l’après-midi: en effet, si le relâchement intellectuel est favorable aux salariés devant faire preuve de créativité, car il permet à l’esprit de vagabonder, il désavantage les employés devant faire preuve de rigueur, comme les relecteurs ou les statisticiens, deux professions cités par les auteurs.
La performance en question
Les résultats de cette étude sont toutefois sujets à critique. «Les participantes ont été placées dans des situations avec beaucoup de facteurs divergents, et il est difficile d’isoler l’élément qui provoquerait, à court terme, un stress ou une performance intellectuelle en déclin», regrette Gilles Fromentin, chercheur en physiologie de la nutrition à l’Institut des sciences et industries du vivant et de l’environnement (AgroParisTech).
Une autre étude menée par le cabinet de conseil américain Gallup, à destination des entreprises, montre également que les bonnes relations au travail, partagées par exemple lors d’un repas entre collaborateurs, auraient un effet positif sur la performance des salariés. Ils estiment que l’implication professionnelle serait sept fois plus élevée chez les 50 % de salariés ayant au moins un lien d’amitié fort au sein de l’entreprise. «Ce n’est peut-être pas un hasard si les espaces de restauration professionnels deviennent de plus en plus ludiques et conviviaux», remarque Gilles Fromentin.
Surtout, l’étude fait l’impasse sur un aspect substantiel du repas: le contenu de l’assiette. Edward Leigh Gibson, chercheur au Centre de santé psychologique de Londres, a montré en 2006 que la nourriture avait un grand pouvoir sur les humeurs: la douceur d’un mets provoquerait un apaisement instantané, tandis qu’un repas lourd susciterait anxiété et tristesse. Des émotions qui pourraient, elles aussi, faire varier les aptitudes au travail et l’état de santé global. Ainsi, puisque les conditions des prises alimentaires ne font pas l’unanimité, il reste possible de se référer à des recommandations générales de santé: «Le principal est de laisser au cerveau et à l’estomac le temps de s’accorder: vingt minutes par repas minimum, en sachant que, derrière un écran, ce temps est considérablement réduit, car on n’y prête pas attention. Mais un restaurant tous les jours accroît les risques de surnutrition», prévient Carole Rousseau, diététicienne indépendante en région parisienne.
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