Y-a t'il trop de managers?

21 août 2013 | Revue de Presse

C’est la question que pose le site de la chaîne britannique d’informations BBC. L’omniprésence de managers efface les repères, à l’heure où le mot «management» est partout, des études supérieures aux organigrammes des entreprises.
Le temps où une grande majorité des entreprises n’était composée que du patron et de ses employés est décidément bien révolu. Aujourd’hui, les entreprises pullulent de managers et de chefs en tous genres. Au Royaume-Uni, on compte 5 millions de managers, soit 10 fois plus qu’il y à 100 ans, relève un article sur le site de la BBC. Danièle Linhart, directrice de recherches au CNRS spécialiste de la modernisation du travail et de l’emploi, et Jean-François Amadieu, sociologue spécialiste des relations sociales au travail, expliquent au Figaro.fr les dessous de cette tendance.
LE FIGARO.FR – Les études supérieures – formations initiales, continues – incluant le terme «management» dans leur intitulé n’ont jamais été aussi nombreuses. Qu’est-ce que cela montre?
DANIÈLE LINHART – L’intérêt suscité par les études en management est révélateur de l’orientation du modèle qui inspire les entreprises modernes. Il s’agit de miser sur leurs dimensions spécifiquement «humaines», leurs émotions, leur besoin de réussite dans un cadre compétitif, leur talent, leur intuition, mais dans le cadre pré-déterminé de la rationalité et la rentabilité de l’entreprise! Il faut alors tout un panel de managers pour faire surgir ces talents parfois insoupçonnés, ces intuitions, le sens de l’aventure et surtout savoir le canaliser et contrôler.
JEAN-FRANÇOIS AMADIEU – Si les formations au management se multiplient, les formations à la «gestion des ressources humaines» disparaissent des Business School et des MBA. Toutes les activités sont concernées par la recherche de l’efficience et la culture de la performance. Dès lors tout se manage. Les salariés, même d’exécution deviennent des managers en ce sens qu’ils se voient confier des objectifs avec des marges d’autonomie relative. Par ailleurs, les individus sont de plus en plus responsables de la bonne gestion de leur personne et se doivent de manager leur propre existence et de développer leurs qualités de management.
Peut-on parler d’une mode liée à l’utilisation du terme «manager» en toutes circonstances?
D.L – Je crois que c’est plus qu’une mode, il s’agit d’une orientation bien délibérée pour assurer la maîtrise de salariés qui ne sont plus tenus par le carcan taylorien.
J-F.A – On préfère de plus en plus le terme management à gestion car il est plus «positif» en incluant notamment les notions de gestion des relations humaines, des équipes de travail. Mais la mode la plus considérable est le coaching «sensé» permettre d’améliorer le management des dirigeants, des cadres et finalement de monsieur ou madame tout le monde.
Concrètement, y a-t-il trop de managers dans les entreprises?
D.L – Trop? Je pense que l’on peut pas dire trop car leur rôle n’est pas de solliciter les salariés pour faire évoluer les organisations du travail, mais plutôt de gérer leur subjectivité pour leur faire accepter des conditions standardisées et contrôlées, et au final peu adaptées à leur travail.
J-F.A – La France se caractérisait par son nombre élevé de supérieurs hiérarchiques dans les années 70 et 80 mais la situation a bien changé depuis 20 ans. Le taux d’encadrement n’augmente plus comme ce fut le cas au 20ème siècle même si le terme management est très souvent utilisé.
Quelles sont (ou peuvent être) les conséquences en interne si les managers sont trop nombreux?
D.L – Les managers ont un rôle d’évaluation qui est souvent très mal perçu par les salariés qui n’ont pas le sentiment que les managers leur fixent des objectifs raisonnables, reconnaissent leurs efforts et écoutent leurs demandes.
J-F.A – La question qui se pose est celle des responsabilités et du stress croissant vécus par les salariés et les encadrants. Ils doivent atteindre des objectifs contraignants en étant évalués par des méthodes qu’ils contestent le plus souvent. L’autorité et la place insuffisante des personnes attachées aux ressources humaines par rapport aux managers opérationnels posent de redoutable problème (un management peu responsable, éthique et humain) ce qui a amené des firmes comme Orange ou La poste à remettre des responsables des ressources humaines auprès des managers et à renforcer la fonction ressource humaine .
Lire l’article sur le site du Figaro

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