Vivre, penser et travailler sans violence – Par André Cognard*

Mise à jour le 06 février 2024 | Artistes du Travail

Cet article est constitué des notes préparatoires à des conférences données à l’École Supérieure de Commerce de Saint-Etienne et à des groupements de chefs d’entreprise. Quelques notes de bas de page ont été ajoutées pour remplacer ce qui avait nécessité une explication orale au cours de l’exposé.

Violence. Réformer le monde du travail

Je suis un professeur d’aikido, enseignant professionnel depuis 1977. L’aikido est un art martial dont les principes sont fondés sur des règles éthiques. La première de ces règles est le respect de tous et de tout le vivant, la recherche d’une stratégie permettant la résolution des conflits sans violence. Cette stratégie appliquée ; je la nomme « l’harmonie efficace ».[1]

J’enseigne les arts martiaux, j’écris, je donne des conférences pour faire passer un message de paix et d’humanisme. Les budo[2] peuvent nous donner une vision optimiste de notre quotidien et de notre avenir. Je veux que l’aikido sorte des dojo et soit utile à tous, en particulier dans la vie professionnelle. Mon discours ressemble à un plaidoyer pour que la paix prévale dans le monde, et c’est au fond ce qu’il est. Je pense qu’il peut être au moins un outil de réflexion et probablement de réformation de notre société, ce qui implique de réformer le monde du travail.

Ma proposition peut sembler naïve au regard des violences perpétrées sur certains champs de batailles déclarés tels ou pas, mais cela ne doit pas nous aveugler et nous inciter à laisser de côté des violences quotidiennes, de moindre ampleur, mais pas moins cruelles si l’on considère qu’aucune souffrance n’est comparable à aucune autre. La souffrance d’une seule personne est intolérable et la violence est un principe auquel l’on risque toujours de consentir, consciemment ou inconsciemment. C’est pourquoi je propose une voie pour s’en libérer en agissant là où nous le pouvons, même si l’action dont nous sommes capables peut sembler dérisoire par rapport à l’immensité de la tâche. 

Ma position ici est la suivante :

Je ne viens pas faire une démonstration mais exprimer un point de vue.

Chacun en sera juge et pourra y confronter le sien.

Je suis en recherche et j’applique un principe qui m’est essentiel : je ne renonce pas car je suis convaincu que même si, chacun d’entre nous, individus, n’aboutissons pas, les forces que nous investissons pour apaiser notre monde ont des effets positifs sur notre quotidien.

J’insiste sur le besoin que nous avons de faire la différence entre expérience et savoir. L’enseignement d’un savoir interroge la capacité à apprendre, la communication d’une expérience personnelle interroge l’être.

Mes motivations principales sont :

Communiquer un point de vue optimiste sur l’évolution de la société et la manière de la changer.

Apporter de l’apaisement partout où la nécessité du conflit s’impose. Donner à ceux à qui la violence est imposée des moyens de lutter contre celle-ci, celle que l’on subit, celle que l’on exerce, celle dont on est témoin.

L’optimisme est un puissant moteur d’action et un motivateur d’apprentissage. Il est indispensable à la recherche de la paix. Il est absolument décisif de différencier, conflit et violence et de cheminer intérieurement vers un concept que je nomme : le guerrier pacifique.

Les acteurs économiques sont des guerriers et, en tant que tels, soumis à une tradition de violence. La véritable efficacité est dans la compréhension de ce que le conflit est créateur et qu’il impose de combattre, ce qui n’implique pas de faire usage de violence. Je veux faire des budo le moyen d’un changement qui permette à ces hommes et ces femmes qui sont en première ligne dans la guerre économique de s’emparer de l’harmonie comme moyen d’action.

D’aucuns me verront comme un utopiste. Je leur réponds que ce sont les rêves qui font avancer le monde. Le rêve est une des nourritures importantes de l’optimisme qui nourrit l’action. Un idéal a toujours l’air d’une utopie mais n’oublions pas qu’il s’adresse à ce qu’il y a de meilleur dans l’humain. L’idéal est une manière de rêver large qui révèle et sollicite la capacité à être heureux.

Voici donc quelques idées qui définissent un paradigme. Ce sont de véritables didascalies indispensables à la compréhension de ce qui va suivre.

Le cœur de mon message nécessite au préalable l’exposé des quelques idées sur la violence, la culture, leur rapport avec l’identité et la conscience.

Cette partie, pas toujours facile, occupe le premier tiers de mon exposé. La difficulté est double, d’une part le sujet est complexe, d’autre part identité, violence et culture font l’objet de nombreuses idées reçues, d’un consensus général interdisant au fond de les questionner.

Je vous demande donc toute votre attention pour cette première partie même si cela peut vous sembler parfois éloigné de vos préoccupations immédiates. Elle n’a pour objet que de revenir à celles-ci avec un regard que j’espère nouveau.

La deuxième partie de mon exposé portera plus directement sur l’entreprise, le commerce, le management.

L’honnêteté m’impose de vous dire qu’au titre « créer, commercer, manager sans violence », j’aurais dû ajouter en première place « gouverner sans violence ». En effet, c’est le prérequis pour qu’une société puisse agir pacifiquement. J’ai volontairement omis ce point-là pour ne pas entrer dans un discours particulièrement polémique à un moment où la violence semble devenue la principale modalité d’action de nombreux gouvernements, ce qui tend à légitimer d’autres violences.

L’honnêteté m’impose aussi de dire que mon point de vue est celui d’un budoka, pas d’un spécialiste de l’entreprise, du commerce ou du management, bien qu’il me soit arrivé souvent de donner des formations en entreprise ou dans des grandes écoles et universités. En effet, notre stratégie et nos tactiques démontrent leur efficacité et peuvent être transposées à tout type de relation et appliquées dans de nombreux cadres professionnels.

Le regard que je porte ici doit être considéré comme oblique. Il est posé à partir d’une position marginale, celle de quelqu’un qui est un budoka avant tout.

Enfin, dans la troisième partie, je ferai la démonstration théorique puis sur les tatami des grands principes du budo[3] en les mettant en lien avec les relations commerciales et managériales. Mon objectif est de montrer comment certains des principes tactiques et stratégiques peuvent être appliqués à ces domaines de manières positives et respectueuses des humains impliqués.

J’espère alors vous convaincre de l’utilité des vrais arts martiaux dans votre vie et dans les changements que doit opérer notre monde s’il veut survivre à lui-même.

Culture et violence

Le questionnement concernant la violence semble actuel. Il est massivement orienté vers des faits de société spectaculaires qui ne sont que les manifestations extrêmes d’une violence omniprésente dans toute situation relationnelle. Je ne vais pas vous donner des recettes pour stopper cet enlisement mais essayer dans un premier temps de provoquer des réflexions.

En tant que pratiquant d’arts martiaux, la violence et le conflit sont les matières que nous travaillons quotidiennement. Le budo est avant tout une auto formation possible grâce à une succession d’expériences proposées par le maître[4]. Ainsi, nous pensons que les questions permettent souvent des avancées tout aussi significatives que les réponses.

Le principe fondateur de toute culture, aujourd’hui comme autrefois, est la violence. Nos mythologies vont d’un conflit à un autre et leurs résolutions passent par la violence. L’histoire de nos civilisations est constituée presque exclusivement d’un récit qui va d’une guerre à une autre. Il est commun de penser que la paix est l’état naturel d’une société et que la guerre est exceptionnelle. Cette idée ne résiste pas à un examen sérieux de l’histoire.

La culture est un système qui doit défendre ses limites pour être. Elle est un marqueur identitaire et la violence peut donc être pensée comme légitime. J’aimerais cependant montrer qu’elle n’est pas indispensable et qu’il existe une attitude intérieure fondée sur une éthique qui peut faire naître une authentique culture non-violente. Je prends la précaution de dire qu’il ne peut être question de passivité devant la violence, ni de tendre l’autre joue mais bien de combattre. Je suis conscient de la perplexité que peut provoquer un tel énoncé mais je résoudrai avant la fin de mon exposé la problématique que crée l’oxymoron dont l’aikido ne se départit pas : « arts martial non violent ».

Le prérequis à l’élaboration d’une culture non-violente est un changement de point de vue sur le conflit et son rôle :

  • Le conflit doit être séparé de la violence. Il est le principe même de toute vie et de toute relation.

Vous n’avez jamais été aussi développés qu’aujourd’hui et jamais aussi proches de votre mort. Vivre, c’est grandir physiquement et intérieurement, c’est à dire apparaitre de plus en plus mais tout en disparaissant. Votre chemin d’évolution personnelle requiert votre marche vers la fin. Cette perception de la finitude engendre un conflit fondamental qui impose la violence comme principe de toute relation tant que l’on reste dans le déni de ladite finitude. En effet, un tel déni impose un clivage qui divise le sujet, ce qui rend l’accès à soi difficile. Ainsi, on passe du conflit fondamental au conflit individuel, lequel est projeté inconsciemment dans toutes les relations.

  • Le conflit est créateur. l’unité nait d’au moins deux. Créer implique plusieurs sources et l’usage de la force. Le bon usage de la force exclut toute forme de violence. La violence est toujours une preuve d’impuissance. L’usage de la force peut être légitime mais jamais celui de la violence. La confusion entre force et violence est un véritable poison social.
  • La vraie victoire ne fait pas de vaincu. La défaite est une forme d’objectivisation subie, un déni d’identité qui va contre une règle universelle : on ne doit pas défaire ce qui est. Tout déni d’identité produit de la violence et rien n’y peut mettre fin tant que l’on considère, d’un côté comme de l’autre que la violence défensive est légitime.

Bâtir une éthique forte pour construire une culture non-violente est une étape indispensable à la survie de toute entité. L’importance du travail à réaliser pour élaborer une telle culture est considérable car l’histoire de la non-violence n’a pas encore commencé. Depuis le début de l’humanité, la règle dominante est la prédation. La tentation de la prédation est un des dangers qui menacent la pratique commerciale.

Mon expérience de budoka m’a permis de comprendre qu’il y a deux voies pour agir, l’une vers l’extérieur pour limiter la violence sociale, la violence politique, la violence des groupes en général. Un des principes fondamentaux de cette action est de placer l’individu humain au centre de tous les dispositifs, de considérer que sa liberté est fondamentale, que sa recherche du bonheur est légitime. Il faut faire du respect l’essence de toute décision et de toute action, respect d’autrui et respect d’une éthique fondamentale fondée sur la modération de soi. « Quel que soit mon objectif, je ne cherche pas à l’atteindre à n’importe quel prix et par n’importe quel moyen ». Même l’urgence ne justifie pas la transgression de la règle de modération qui est garante du respect. Éthique et déontologie doivent être les piliers sur lesquels s’élabore une empathie juste, ferment d’une harmonie efficace.

N’oublions pas que le groupe est constitué d’individus et que ce sont toujours des individus qui pensent, agissent, souffrent, créent.

Placer l’individu humain au centre de tous les dispositifs, c’est la voie extérieure si l’on part du point de vue de l’individu mais c’est la voie intérieure si l’on part du point de vue du groupe. Une des violences admises dans le champ politique vient de l’usage qui est fait de la force. Considérer que le groupe a autorité sur l’individu est une violence car ce sont des individus qui agissent contre des individus en s’emparant de la force des groupes alors qu’ils devraient faire usage de cette force pour agir pour le bien des individus et seulement cela.

On touche là à une limite des conceptions de la démocratie : opposer le bien collectif au bien individuel est une manière de se donner à la violence. Mais alors vient naturellement l’objection : comment gouverner ? Le principe qui préside à un usage juste de la force est la triangulation par la règle. Mais celle-ci n’est possible que si la règle est entendue par tous les protagonistes. Pour qu’il en soit ainsi, il faut qu’elle soit juste, c’est à dire qu’elle ne porte atteinte à quiconque, qu’elle soit stable, et respectée par ceux qui ont à charge de la faire appliquer. Dans une vraie démocratie, la règle se fonde sur le bien-vivre ensemble. Elle va de soi. La violence agit toujours quand l’équilibre d’une relation est rompu et celui-ci l’est toujours quand il y a une absence de représentation de l’altérité. La prolifération de lois nouvelles est le signal inquiétant d’une rupture de l’équilibre entre un peuple et ses gouvernants. Pour rétablir un équilibre désormais rompu, il faut abandonner le principe consistant à opposer les points de vue.

L’autre voie implique un travail de l’individu pour se libérer de sa violence intérieure qui est la source à laquelle s’abreuvent toutes les autres. Je suis convaincu qu’il est impossible de travailler sur la voie externe sans travailler sur la voie interne.

Le seul travail sur la voie interne serait probablement suffisant si ce n’était l’extrême urgence à laquelle nous confronte la violence de nos sociétés. Ce travail-là consiste à débarrasser son corps des réflexes naturels, fuite, agression défensive et sidération qui sont tous à l’origine d’actions violentes. Il est indispensable de créer une assise identitaire qui ne requiert ni la reconnaissance par autrui, ni la représentation psychique de soi afin de prendre le contrôle desdits réflexes et ainsi endiguer toute action violente.

Voici, pêle-mêle et exposées de manières parfois contradictoire quelques idées propices à un changement dans l’approche intellectuelle de la violence :

Toute violence trouve son origine dans le déni explicite ou implicite, présent ou passé, conscient ou inconscient d’une identité. L’identité est le mode d’expression du monde. Celui-ci se développe par la production de différences et rien ne peut y être saisi de manière univoque, ni objet, ni entité, ni identité.

La création de tout objet et l’apparition de tout sujet nécessitent une multiplicité de sources et d’actions.

  • L’histoire de la violence est indissociable de celle de la culture. Toute violence s’enracine dans la défense d’une identité groupale, même quand elle est le fait d’un individu.
  • Identité, culture et violence forment la trinité fondatrice de nos sociétés.
  • La violence est la culture la mieux partagée par l’humanité. (d’où le succès de tout ce qui a un caractère violent, cinéma, jeux vidéo, sports de combat). La violence des groupes s’exprime toujours par la violence des individus, laquelle est toujours le signe de carences chez ceux-ci des moyens d’accès à eux-mêmes, c’est-à-dire de l’insuffisance des valeurs collectives, principaux marqueurs identitaires. La remise en question des contours du groupe produit une perte d’une partie des marqueurs individuels. La violence des individus est toujours l’expression de celle du groupe. Elle se fonde sur un consentement implicite du groupe auquel il est difficile de renoncer car il est un marqueur identitaire collectif auquel l’individu est contraint de se rattacher tant qu’il n’a pas trouver sa liberté intérieure. Celle-ci consiste dans le libre accès à soi.

Quand on ne se perçoit plus individuellement, on a recours à la violence pour recréer le lien avec soi. L’identité n’existe pas en propre. Elle est constitutive de la relation. C’est la perte de représentation de l’altérité qui déclenche la réponse violente. La violence ne s’exerce jamais dans un seul sens.

De même, quand les groupes perdent leurs repères, en particulier les valeurs qui déterminent leur cadre identitaire, ils ont recours à la violence pour se redéfinir. C’est un réflexe naturel qui légitime jusqu’à aujourd’hui les violences défensives, la violence institutionnelle, la violence politique et, plus encore, la guerre. La violence permet de « se définir contre ».

  • La violence est le seul lien qui maintienne la cohésion du monde quand il n’y a plus, dans une fraction de celui-ci, conscience du lien.

Elle répond à une obligation de la loyauté à soi qui impose de se préserver, de se défendre, de défendre ses frontières et en même temps de défendre ses appartenances, conscientes ou inconscientes, au groupe car elles sont nécessaires à la survie.

  • La violence est le réflexe le plus immédiat et le moins discuté dès lors qu’il existe un risque de perdre le contact avec soi. Ce risque est bien évidemment important lorsque l’altérité ne permet pas de se projeter en elle, c’est-à-dire quand elle ne comporte pas assez de « même », quand elle comporte trop « d’autre ».

Je dois malheureusement ajouter que cette culture de la violence a le vent en poupe, nous retournerons à Auschwitz sous la conduite d’autres bourreaux si nous n’agissons pas rapidement et efficacement.

Ce « Nous » implique tous les rouages de la société, les décideurs politiques, les acteurs sociaux, les entreprises, les associations, les familles, les individus. Tous les clivages, racisme, lutte de classe, sexisme trouvent leur origine et leur substance dans un manque d’empathie qui prouve un défaut d’accès à soi-même. Mais rien ne peut engendrer plus de réactions défensives que l’idée du « tous pareils ». L’idée d’assimilation engage tout groupe dans une impasse relationnelle. Il faut conjointement montrer ce qui est commun en valorisant les différences et créer du commun par le « vivre ensemble ». Sinon, l’on trace des lignes de démarcation et celles-ci forcent au combat contre l’autre.

La violence légitimée par le droit à se défendre fonde une violence institutionnelle qui est le leitmotiv de toutes les sociétés d’aujourd’hui. C’est là ce qui justifie l’abus de pouvoir, l’intrusion dans la vie privée des individus, et pire encore, qui justifie les guerres. C’est un consentement implicite à la violence qui explique l’absence de réaction, d’indignation devant des violences extrêmes, devant des abus de pouvoir dont certains décideurs politiques sont désormais coutumiers.

Il est pourtant difficile de penser autrement, c’est-à-dire qu’une agression ne légitime pas une violence défensive. Cela est difficile pour des raisons culturelles et à cause de loyautés invisibles[5] mais surtout parce que la conscience psychique ne fonctionne que sur l’exclusion. La conscience psychique utilise des concepts pour penser. Ceux-ci fonctionnent sur l’exclusion d’une partie d’eux-mêmes. Pour dire une couleur, il faut non seulement en identifier une mais exclure toutes les autres. Ainsi donc le fonctionnement conscientiel est basé sur l’association ignorée de conscient et d’inconscient. Ce qui détermine le sens d’un concept réside tout autant dans ce qui est rejeté et qui doit rester ignoré que dans ce qui est su. Cela influe de manière très préjudiciable sur nos relations, car dès que l’on se trouve en difficulté pour se représenter l’altérité, on risque de perdre l’accès à soi. En effet, cette carence de représentation de l’autre crée une inversion dans le processus, l’ignoré devenant le conscient. D’où les violences défensives.

Le principe d’exclusion qui détermine le fonctionnement de la conscience psychique a pour but de la préserver contre l’envahissement par d’autres entités. C’est le premier rempart garant de l’identité connue, de la pensée de soi, de la capacité à dire « je ».

Le corps, principal marqueur de l’identité d’un sujet, est pourtant le lieu d’expression d’une foule « d’autres que soi »[6] et la conscience psychique doit donc se scinder de lui pour fonctionner et pour se protéger. Ceci est le premier lieu d’un conflit interne violent. Refoulement, inhibitions, contraintes émotionnelles sont des violences faites à soi-même.

Vous pouvez saisir ce que signifie « une foule d’autres » que soi en lisant la note suivante et en considérant que « le corps est fait de ce qui le fait être ».

« Le premier principe est de prendre en compte l’unicité de chacun et de concevoir en questionnant le corps de l’individu les outils qui le libéreront. Le second consiste à déceler ce qui dans cette individualité est commun à tous.

Par exemple, nous sommes tous issus d’un utérus, mais tous les utérus sont semblables et celui dont chacun est issu est absolument particulier.

Ceci étant, il appartient à la longue chaîne matricielle remontant à l’origine de l’humanité. Tout en étant tous semblables, chacun est particulier car il est le résultat d’un croisement incessant entre la chaine issue de la mère du sujet et la chaine issue de la grand-mère paternelle du sujet. Il y a donc une transmission directe de mère à fille et une transmission croisée de belle-mère à belle-fille.

Le croisement des lignées matricielles démontre que l’harmonie entre les sources est absolument indispensable. De même, le croisement entre les apports génétiques associe les mémoires génétiques qui elles aussi remontent à l’origine de l’humanité. Le croisement matriciel et le brassage génétique assure la cohésion de l’humanité. »

Au fait d’être issu d’un multiple inconnaissable s’ajoute l’infinité de projections faites par l’entourage. Toute personne que nous rencontrons à une représentation de nous-mêmes avec laquelle il interagit et c’est ce qui fait notre vie. Ainsi, issu d’une multitude, nous vivons d’une multitude et bien qu’individu, nous sommes constamment menacés de dispersions. Si l’on pouvait débarrasser le corps de toute altérité hormis les consciences naturelles[7],autrui ne constituerait plus un danger pour le maintien de l’identité psychique et ce serait au corps seul que reviendrait la fonction identitaire. Cela libèrerait le psychisme qui pourrait dès lors s’ouvrir à une altérité multiple sans risque, c’est-à-dire abandonner les idéologies ou les croyances qui ont toujours une fonction défensive. Tout sujet pourrait alors faire l’expérience de la relation corps à corps pour se débarrasser des réflexes de fuite, d’agression défensive, de sidération, de menace et du réflexe sacrificiel[8] pour instaurer sa seule présence au monde comme preuve de sa légitimité absolue. L’identité ne serait plus menacée par l’autre et n’aurait donc plus besoin de puiser dans les consciences naturelles une violence fondamentale pour se défendre.

C’est précisément le travail que propose l’aikido : prendre entière possession de son corps pour disposer librement de ses émotions et de sa pensée tout en encadrant ses actions par une éthique forte fondée sur la modération de soi, le respect de la place et de la liberté de l’autre dans toute relation.

C’est le corps lui-même qui devient le porteur de l’éthique. Le but du budo est de constituer ce corps éthique qui fait que l’autre, quel qu’il soit, ne constitue plus une menace et qu’en toutes circonstances, c’est l’équilibre des relations qui prime. Dès lors, l’identité est constitutive de l’éthique et le contrôle de la relation n’est plus un enjeu existentiel.

Observez combien de lois sont produites et combien de contraintes violentes nous sont imposées quotidiennement dans le but de se prémunir contre le comportement erratique potentiel d’un autre aussi indéterminé qu’improbable. Le système devrait reconnaitre là son incapacité à faire appliquer la loi, corollaire de son incapacité à éduquer. 

J’affirme que les réponses à ces problèmes se trouvent dans la pratique d’une voie. La voie, telle que l’aikido authentique[9] nous la propose, est débarrassée de toute religiosité, de toute idéologie, de tout pré requis culturel. Elle est :

  • interculturelle car elle brasse des symboles au travers d’échanges linguistiques et de la mise en commun de rituels.
  • transculturelle. Elle traverse toutes les cultures. J’ai la chance d’enseigner sur tous les continents et dans toutes les couches sociales et je puis témoigner de la manière dont la pratique est accueillie par tous les groupes que je rencontre. Les problématiques qu’elle soulève et contribue à régler sont les mêmes partout. Un traumatisme donné s’écrit dans tous les corps de la même manière et chacun est en constante recherche de soi, d’un « je » stable garantissant la sécurité de sa conscience.
  • et infraculturelle. Le corps garantit l’expression d’une identité infraculturelle puisque le principe de l’identité profonde est l’ontogénèse. Toute blessure est une rupture de l’unité qui masque, entrave, gène l’expression de l’unité primordiale, l’unicité.[10]

Manipuler le corps de l’autre et être manipulé par lui permet de vivre tous ces aspects. Tout corps est porteur de marqueurs culturels, ce qui fait de toute interaction corporelle une expérience interculturelle. La multiplication des échanges corporels rend la pratique transculturelle. Les marqueurs culturels du corps de l’autre deviennent familiers et sont peu à peu intégrés. Enfin, l’interaction corporelle permet la reconnaissance de ce qui est commun à tous et devient ainsi l’expérience de ce qui est propre à l’humain, en deçà de toute culture. Elle est donc infraculturelle. La prise de conscience de ces trois dimensions de la relation de corps à corps permet l’analogie avec toute relation car elle induit une autre prise de conscience : toute relation, serait-ce même la plus intellectuelle, est corporelle. C’est un point décisif quand il s’agit de manager.

Ainsi, la pratique permet d’assoir la présence de l’autre en soi et fait tomber les réactions et de facto les idées de violence défensive. Le corps éthique est non-violent.

L’esprit d’aiki [11] est très actuel

Les récentes prises de conscience écologiques et éthiques sont indiscutables et indissociables. Elles répondent à la nécessité de trouver l’harmonie avec la nature et l’autre.  C’est le sens de « ai ». Ai est le premier idéogramme de aikido. On peut le traduire par accord, harmonie, amour, mais aussi rencontre. Le « ai » de aikido exprime un désir de respecter et de se rapprocher de tout ce qui vit.

De ces prises de consciences écologiques est né le souci de vivre en accord avec la nature. Les conséquences de la pollution nous imposent de réfléchir à une autre manière de produire.

Le souci d’harmonie avec l’autre a créé l’idée de commerce équitable, c’est-à-dire qu’il y a une prise de conscience de la violence implicite d’une action commerciale sans éthique. Prenons un autre angle de vue : la recherche de l’efficacité commerciale implique de connaître l’acheteur potentiel. Ainsi, la dimension humaine personnelle tient une place plus importante dans la création du produit, la manière de le proposer et de le vendre.

Ceci est possible parce que la mondialisation, les moyens de communication, les réseaux sociaux, l’internet font que l’autre en général est moins indéfini, moins inconnu.

Ainsi se développe une empathie qui remet heureusement en question des positions égoïstes, ethnocentriques, nationalistes au profit d’un statut naissant de citoyen du monde concerné par le sort d’autrui.

En outre, cette prise de conscience de la nécessaire connaissance de l’autre vu en tant qu’acheteur et l’augmentation de l’exigence de qualité des produits et des services imposent plus d’attention à l’égard de ceux qui le fabriquent. Ce n’est que le début d’un changement qui, j’espère, va s’amplifier pour atteindre un niveau qui rendra justice à des acteurs du système bien souvent oubliés. Il devient décisif pour tout groupe, tout système de comprendre que la valeur supérieure, c’est l’individu.

Créer sans violence :

Outre la question fondamentale des rapports entre les employés et l’entreprise, cette idée intéresse la relation entre l’entreprise qui est créatrice de biens, et les matières ou les substances utilisées. Est-il envisageable de continuer à créer en polluant, en dévastant ? Un des grands principes qui doit présider à la création en général est la modération. La modération de soi est indispensable dans toute relation. Il en va de la préservation de celle-ci et donc de soi. L’entreprise qui ne saura pas répondre à cette exigence disparaitra. Les exemples de grands groupes autrefois florissants aujourd’hui disparus ne manquent pas. Évoluer ou mourir, cette loi s’applique à tous les systèmes. Notre époque exige une évolution des rapports entre humains et en particulier du respect d’un bout à l’autre de l’échelle des savoirs, des besoins, des hiérarchies. Le principal critère d’évolution, après « l’ère du moi d’abord » et celle de la valorisation de l’égo, est précisément la modération.

Cette modération[12] n’est possible et envisageable que si l’objectif n’est plus l’argent et l’obligation incontrôlée d’un développement constant mais la réponse à un besoin réel de l’homme. L’argent doit rester un moyen universel d’échanger de l’énergie et doit devenir le véhicule de l’esprit. L’argent est la matérialisation de l’esprit quand il permet d’échanger de l’identité. Si l’on en fait le but de ses actions, il prend le pouvoir et nul ne peut le contrôler ni contrôler les conséquences de ses actes. La gestion en aval qui consiste à définir des objectifs financiers et à mettre en place n’importe quel moyen pour les atteindre détruit des hommes et va à l’encontre de la valeur des produits eux-mêmes, mais à terme, les entreprises qui pratiquent cela s’autodétruiront. La violence revient toujours vers ceux qui l’exercent.

Cette question du besoin réel est-elle à contre-courant de la tendance actuelle ? Quand il s’agit de penser le monde, elle est centrale. Imaginez un monde dans lequel on ne pourrait pas produire ce qui est nécessaire à la vie parce que l’on produirait de l’inutile. Faire attention à la hiérarchie des besoins, c’est être attentif à autrui, ce dont aucun groupe ne peut se dispenser.

Il est nécessaire de développer une éthique de la production qui place le respect du consommateur potentiel au centre de toute démarche créative. Cela concerne bien entendu le respect de sa santé mais aussi respect de son identité. En effet l’adéquation entre le produit proposé et la réalité du besoin implique de connaître ce besoin et donc de reconnaitre le client potentiel. La fabrication de faux besoins par l’exploitations de failles identitaires probables est une démarche commerciale a-éthique et donc inacceptable.

La question de l’éthique dépasse ce seul cadre de la relation au client. Une véritable éthique consiste à faire se rencontrer par le biais d’un produit une personne qui fabrique et une qui utilise.

Il est évident que tout produit devrait être en lien avec des sujets identifiables, l’anonymat étant un dilueur de responsabilité qui induit une tendance non-étique.

Pour le résumer simplement, un produit égale un homme responsable.

C’est ce qui se passe souvent dans le commerce du vin quand le producteur est en personne le critère principal d’achat. La même appellation d’origine contrôlée peut mettre en avant des vins de qualités très diverses, allant parfois du très mauvais au très bon et la différence principale est sans le moindre doute le rapport que le viticulteur entretient avec son travail : savoir-faire, respect de la nature, respect du produit, respect du consommateur, créativité, enthousiasme.

Il en est de même pour les productions vraiment artisanales. Quand le nom est engagé, la dimension éthique augmente et fait progresser la qualité. On transmet de l’identité en vendant un produit mais cela implique que cette identité ne souffre pas dans un corps ou une conscience maltraitée.

Évidemment, la question de la transposition à l’échelle industrielle reste entière mais c’est pourtant le prix pour parvenir à un système de création sans violence. Il faut créer une industrie non-violente. C’est un enjeu majeur pour la pérennité de notre monde.

Il est d’ores et déjà envisageable de relier volontairement un type de production à la qualité d’être d’un groupe. Laproduction débridée de la Chine et la bassequalité entraîne suspicion et méfiance quand le sérieux de la production japonaise engendre de la confiance.

Cela commence au niveau individuel. L’éthique de l’ouvrier japonais se fonde dans une conscience de celui-ci qui se projette dans l’utilisateur futur et qui ne peut accepter l’idée que ce dernier puisse avoir à souffrir d’un produit imparfait. Si les marques japonaises d’automobiles sont en tête des statistiques concernant la fiabilité, cela tient au même souci des concepteurs, des créateurs, des commerciaux et des ouvriers de ne pas produire un véhicule imparfait qui rendrait un service imparfait. Il s’agit bien d’avoir le souci de l’autre.

Parmi les moyens employés pour créer, l’essentiel est l’homme.

Derrière chaque machine, il y a un homme. Si celui-ci peut investir son travail même le plus modeste comme une dimension personnelle, l’expression d’une partie de soi, et s’il est respecté, la qualité s’en trouve améliorée. Il serait souhaitable qu’une trace de chacun soit dans l’objet produit.

Quand l’employé est propriétaire de son travail, le bien produit lui permet de se représenter à lui-même de manière valorisante. Inversement, si le travail engendre de la souffrance, si l’individu est contraint dans son travail, il doit le rejeter en partie pour se préserver et rejeter l’entreprise avec. La qualité du produit et celle des relations dans l’entreprise en souffrent.

Ce sont peut-être des évidences pourtant dans combien de cas est-on réellement capable de respecter l’employé et l’acheteur potentiel ?

Commercer sans violence :

Le commerce est une nécessité de l’humanité qui, outre sa fonction d’échange de biens et de services, est un système de communication exceptionnel. Il crée l’obligation d’échanges pacifiés et de connaissance de l’autre.

Le produit est un marqueur d’identité, c’est toujours un objet culturel. On assiste grâce à l’échange commercial à la naissance d’une culture mondiale faisant que tout produit devient un médiateur culturel. Il transporte un message mettant en évidence les différences culturelles et dans le même temps il est un facteur de cohésion planétaire. Les places que prennent les différentes gastronomies sont un parfait exemple d’échange culturel en réponse à un besoin commun à tous.

Le bon produit ou le bon service montre ce qui est commun à tous, la recherche du bien-être, la légitimité du droit au bonheur, le désir d’un certain confort de vie.

Et il contribue à l’établissement d’une culture commune : par exemple, en utilisant les mêmes objets, en mangeant les mêmes choses, on structure peu à peu son rapport au monde humain. La recherche d’une ergonomie permettant efficacité sécurité et confort commune à presque tous les fabricants d’automobiles fait que sur toute la planète, des personnes de culture parfois très différentes font exactement les mêmes gestes et contribuent ainsi à la création d’une culture commune.

Les gestes quotidiens deviennent des rituels quand ils sont répétés par des groupes d’individus qui ne se connaissent pas forcément entre eux et dont l’action psychomotrice est commune. C’est cette communauté gestuelle qui fait naître une identité de groupe.

C’est cette communauté de l’action qui crée des liens dans une dimension du corps qui est infra-culturelle. Voir ce qui est commun entre nous est un premier pas vers la connaissance de l’autre qui rend possible une interculturalité favorable à la tolérance, à la compréhension de l’autre et à l’intégration de sa différence.

Une autre dimension du corps est interculturelle. Nous sommes issus de deux parents donc deux familles donc de deux histoires qui engendrent deux points de vue sur le monde. C’est l’archétype de toute relation. Pour que la différence soit perçue, il faut qu’il y ait suffisamment d’éléments communs. Il est alors possible de développer une empathie qui permet d’accepter des différences culturelles importantes.C’est la différence qui devient une valeur et l’on aime la culture de l’autre.

Si les barrières culturelles, si la méfiance ou l’indifférence par rapport à l’autre diminuent, la notion de service ou de produit peut devenir un signifiant de l’attention à l’autre, de l’amour de l’autre. Dans une telle relation, le respect, la bienveillance vont d’eux-mêmes.le boulanger travaille pour gagner sa vie et cela est légitime surtout s’il travaille au fond pour que personne ne manque de bon pain.

Tout service doit comporter ce lien affectif qu’est la bienveillance. Elle produit une émotion, c’est-à-dire un enrichissement de l’être. L’émotion est une clé de la prise de décision. Elle s’applique à l’échange mais aussi à la conception du produit ou du service. La mode du vintage s’est développée parce que le produit nous parle de nous.

En effet, l’émotion est une valeur parce qu’elle traduit de l’identité, de l’être. Son aspect peu rationnel souligne sa proximité avec l’essence. Elle donne au produit une valeur ajoutée qui est l’authenticité. L’authenticité est ce qui dans le produit exprime un lien réel avec une culture, une histoire, un groupe.

Le produit authentique permet l’échange de culture et de sentiment et donc le don de soi. Je dirai de manière un peu naïve : il faut que l’employé aime le produit et pour cela qu’il aime son entreprise, il faut que celle-ci aime le produit et qu’elle s’aime elle-même c’est-à-dire qu’elle aime et respecte ses employés. Il faut que tous aiment le client et le traduisent par le don de soi à travers le produit ou le service. Ainsi le client aimera l’entreprise et le signifiera en achetant le produit sans avoir à douter ni de son utilité ni de son authenticité ni de sa valeur. La principale justification du prix est la valeur morale portée par l’objet ou le service.

La fin de la société de loisir laisse place à la société de la relation personnelle. La multiplication des cartes personnelles, donnant droit à un statut particulier, en témoigne.

Il y a un développement du commerce allant vers un échange direct entreprise-individu. Les exemples ne manquent pas : multiplication des ventes privées, révolution internet, notion de service à grand échelle.

Pour que cela soit efficace et réel, il est nécessaire que les entreprises, qui fabriquent ou qui distribuent, rassemblent des qualités permettant d’assumer ce rôle de prestataire bienveillant et respectueux.

Ces qualités ne peuvent s’exprimer vers le marché que si elles s’appuient sur une culture éthique interne. Celle-ci doit organiser toute la chaine concernée, du client potentiel jusqu’au collaborateur le plus anonyme.

Une entreprise qui n’a pas une éthique forte envers ses employés ne peut pas durablement inspirer la confiance.

Il n’est plus tolérable de nos jours que le travail fasse souffrir. Il doit épanouir et cela est toujours possible lorsqu’il renforce une identité qui est considérée, reconnue, respectée, valorisée par l’entreprise et tout ce qui la représente. Le travail n’est jamais naturellement dégradant mais peut le devenir par manque d’attention, par manque de soin, par manque de considération de tous les acteurs et spectateurs, de tous les autres. La hiérarchie, les collaborateurs, les collègues, les clients, les groupes sociaux de tous les niveaux, tous sont impliqués et responsables de la valeur d’une tâche donnée. Aux premières loges se trouvent ceux qui commandent, ordonnent, organisent le travail. C’est pourquoi il est indispensable de penser à manager sans violence.

Manager sans violence

Diriger une équipe et guider un individu au travail requiert de la lucidité, de la modération et de la bienveillance. Cela implique d’être conscient de ce que toutes les rencontres, toutes les relations dans lesquelles nous sommes impliquées sont précieuses car ce sont elles qui font notre vie.

La relation est par essence conflictuelle puisqu’elle se construit sur une interculturalité, des points de vue différents, des projets différents. Au point de vue collectif de l’entreprise s’ajoutent ou s’opposent les points de vue individuels des manageurs et des autres acteurs de l’entreprise. Il n’est pas acceptable du point de vue éthique de ne pas prendre en compte la légitime aspiration au bonheur d’un employé. Il n’est pas plus acceptable pour un individu de ne pas considérer les attentes légitimes de l’entreprise. Celles-ci dépendent de la fonction de l’individu dans ladite entreprise mais la fonction n’est pas l’homme. Le « collectif entreprise » est constitué d’individus et il survit s’il ne détruit pas ce qui le fait être. Inversement, les aspirations de l’individu ne peuvent aboutir que si elles ne s’opposent pas à la marche du groupe.

Un sujet, c’est un corps. Le travail est fait par ce corps. Rien de tout ce que nous vivons n’échappe à cette loi. Notre présence au monde est assurée par notre corps et c’est lui qui remplit la fonction identitaire. C’est lui qui nous fait exister dans la conscience des autres et c’est lui devenu cadavre qui dira qui est mort. Dès lors, c’est le souvenir de cet être incarné qui permettra à ceux qui nous survivront de nous faire exister dans leurs pensées.

Le corps est mémoire, conscience et pensée. Il est la parole. Il est l’action. Il est le support de tous nos sentiments et la joie ou la détresse, l’espoir ou l’angoisse s’écrivent sur lui. Toute souffrance l’abime et la souffrance est une et unique. Elle est l’expression d’une atteinte à la légitimité du sujet, un déni réel ou potentiel de l’identité de celui-ci.

Les arts martiaux permettent de comprendre ce qu’est une relation et cette compréhension est indispensable à tout manageur.

Considérons tout d’abord que toute relation est conflictuelle. Chaque pôle de la relation tend vers un but qui lui est favorable. C’est évidemment le cas pour un échange commercial. C’est aussi le cas dans une relation d’autorité. Il s’agit toujours de combats implicites dans lesquels la violence naturelle peut ressurgir dès que l’une ou l’autre des parties est insécurisée, c’est-à-dire dès qu’il y a un déséquilibre de la relation. C’est toujours le cas quand la définition du cadre de la relation n’est pas claire.

Quelles sont donc les valeurs indispensables mais aussi les principes incontournables pour pacifier toute relation et en particulier pour manager sans violence ?

Il me paraît opportun de commencer par les principes du combat victorieux. Ce sont eux qui définissent les techniques efficaces et c’est la conscience éthique qui dit ce qui est acceptable parmi celles-ci.

Voyons ce que nous dit le Budo :

  • Pour remporter une victoire, il faut connaître le terrain, connaître l’autre, avoir les bonnes armes et les bonnes stratégies, avoir les bonnes techniques et l’énergie pour les employer, rester lucide en toute circonstance.

Avoir l’énergie nécessaire à l’action dépend principalement de l’assise identitaire. Confiance en soi et certitude quant à l’action à mener ne s’accommodent pas de failles identitaires. Bien sûr, cette confiance en soi introduit un risque latent, le basculement dans le fanatisme, l’aveuglement, la colère ou la haine. Ce sont tous des facteurs d’affaiblissement de l’action. Ils résultent de la faiblesse du sujet, même si le fanatisme peut avoir l’apparence de la détermination et donc de la force. Avoir l’énergie nécessaire à l’action implique de contrôler ses émotions, d’avoir une représentation juste de l’autre.

Savoir exécuter la technique juste.

La qualité d’un geste tient à sa clarté, sa fluidité et sa puissance.

La clarté dépend de la connaissance parfaite de l’action à mener mais aussi de l’accès à soi. Une action est efficace quand elle est l’expression d’une identité stable. Aucune identité n’est stable sans reconnaissance de l’altérité et sans empathie.  Connaître parfaitement l’action à conduire implique de se connaître. Cette connaissance de soi est une potentialisation de l’énergie. Agir sereinement requiert l’équilibre entre l’énergie potentialisée et l’énergie exprimée. Ce n’est possible que si l’équilibre entre le « je » et « l’autre » est bon, que si la balance identité altérité est juste.

  • La fluidité dépend de la confiance en soi dans sa capacité à exécuter l’action. La confiance en soi s’établit sur une identité solide, c’est-à-dire un rapport équilibré à l’altérité. Tout manageur doit s’appliquer à faire confiance et pour cela, à développer la confiance en soi. La confiance se donne. Un employé investi de la confiance de sa hiérarchie et de ses proches travaille mieux car la confiance reçue le renforce intérieurement.
  • La puissance dépend de la stabilité en mouvement, c’est-à-dire l’équilibre entre l’énergie potentialisée et l’énergie investie dans l’action. Il s’agit de cette relation essentielle entre être et faire.

L’ensemble n’est possible que dans un état d’esprit dépassionné, sans peur, sans agressivité. Seule une éthique, une technique et une énergie solides autorisent un tel état d’esprit.

C’est le résultat d’une véritable éducation à l’action dont le prérequis est l’absence de toute intention violente. C’est pourquoi je m’avance à dire que l’entreprise doit devenir un lieu d’éducation qui permette à tous d’élaborer un socle de valeurs communes. Bien sûr cela n’est possible que si les décideurs les plus éminents sont eux-mêmes les promoteurs exemplaires de cette éthique.

Nous voyons ainsi se dessiner les contours du manageur par excellence.

C’est peut-être ce que nombre d’acteurs économiques savent et sont déjà.

Le travailleur, le vendeur, le collaborateur, le manageur tous sont avant tout et au-delà de tout un être. L’être, c’est la racine, si celle-ci est forte, tout acte est lucide et efficace car l’énergie vient d’elle. Le manageur mène le combat intérieur qui consiste à clarifier ses motivations, à prendre la vraie mesure de ses actes et de ses intentions à l’aune de l’éthique, à revendiquer la responsabilité de ses décisions.

Ainsi, il est capable de donner de la reconnaissance authentique, sachant que celle-ci comme toute gratification juste nourrit la racine et développe l’énergie de celui qui reçoit et de celui qui donne. L’agression, le stress, la violence relationnelle épuisent également l’un et l’autre. Nous, budoka, savons qu’il n’est pas possible d’enseigner ou de combattre durablement et efficacement sans nourrir la racine, c’est-à-dire sans travailler sur soi. Cela consiste à perfectionner ses techniques constamment mais aussi à polir son esprit en exerçant sa conscience. Celle-ci doit être capable de détecter et d’abolir toutes les peurs et par conséquent tout sentiment égoïste qui engendre des positions défensives et des actions d’agression défensives incompatibles avec une stratégie victorieuse et donc avec un bon management.

Devrais-je insister encore ? L’énergie potentialisée conditionne tout autant l’action que l’énergie investie dans celle-ci.

Bien manager, c’est s’occuper de l’être, ne jamais le négliger, lui ménager une place dans tout dispositif. Je résumerai en disant : personne n’est une fonction. L’entreprise dans toutes ses strates, toutes ses fonctions, toutes ses servitudes, toutes ses actions, tous ses process, c’est des individus humains, des individus humains et des individus humains.

Il s’agit bien là des conditions pour remporter une victoire. Mais pour nous aikidoka, c’est insuffisant comme cela devrait l’être pour toute personne qui conduit une équipe.

Tout général forcé à la guerre ne devrait penser qu’aux conditions du retour à la paix. Tout manageur ne devrait jamais accepter d’être forcé à la violence. La question devient donc :

  • Pour remporter une victoire sans violence, il faut appliquer tous les principes déjà cités mais aussi tout faire pour sortir de l’opposition. Cela est évident en matière de commerce ou ne pas opposer l’intérêt du vendeur et celui de l’acheteur améliore la qualité du produit et de la relation.
  • L’est-ce autant quand il s’agit de relations de commandement entre supérieurs et inférieurs hiérarchiques. Comment équilibrer ces relations hiérarchiques dont les composantes conflictuelles sont exacerbées ? Est-ce une fatalité d’opposer les points de vue de l’intérêt de l’entreprise et celui des salariés ? Conduire une réflexion sur cette automatisme de la pensée qui oppose pour discerner, définir et décider me semble indispensable. Comprendre que le déséquilibre de la relation empêche une gestion saine du conflit et mène inéluctablement à la violence l’est tout autant.

L’aikido nous dit : l’ennemi ou l’adversaire n’est pas en face de moi. L’autre de la relation n’est pas l’ennemi, mais nous sommes impliqués dans un conflit qui nous relie, l’ennemi véritable est ce qui nous fait nous opposer. Mon agresseur fait une demande d’aide.

Donc, il faut chercher l’harmonie en toute circonstance, pour cela, ne jamais se sentir menacé par les décisions, les actions, ni même les attentes de l’autre. Tout manageur qui perçoit de la résistance à l’action qu’il propose doit se demander si celle-ci est juste, comprendre si lui-même y est forcé. Vouloir imposer une décision dont on n’est pas libre est voué à l’échec. Si le décideur est libre de sa décision et en accord avec celle-ci, il doit interpréter toute résistance comme une demande d’aide. C’est pourquoi, il ne doit jamais agir en force.

  • Ne jamais mettre de force au contact pour ne jamais réagir : l’expérience nous montre que lorsque l’on met de la force au contact, on ne perçoit que sa propre force et l’on perd toute perception de l’autre.

Cela induit immédiatement chez celui-ci une réaction défensive violente ou une sidération car il ne sait plus comment et où agir. Cette réaction défensive induit automatiquement un renforcement de l’action violente de part et d’autre.

  • Ne jamais défendre : dans le Budo, on sait que défendre c’est déjà avoir perdu. Défendre signifie qu’on laisse l’initiative à l’autre et que l’on ne fait que répondre à ses actions.
  • Ne jamais attaquer l’arme ou les moyens mais adresser ses actions au cœur de l’homme, à son entièreté, à son être : c’est le moyen de maintenir le contact avec lui en toutes circonstances, d’anticiper ses actions, de rester en équilibre.
  • Agir avec modération et protéger l’autre de soi dans l’échange : donner une place à l’autre dans la relation, cela permet de ne pas susciter ses réactions défensives, de ne pas solliciter sa violence. Ce principe permettrait d’éviter ce qui devrait être considéré comme absolument inacceptable dans notre société : le suicide dû au désespoir causé par le travail.
  • Lui témoigner de la reconnaissance : avant le combat, le samurai de haut niveau faisait l’éloge de son adversaire. Dans l’optique de la triangulation, il est un allié et sa force un atout.
  • Rechercher une victoire qui ne fasse pas de vaincu : il ne s’agit pas seulement d’un gagnant-gagnant bien connu des milieux du commerce mais de considérer que le conflit dans lequel nous sommes impliqués est un moyen de développement et d’élévation pour les deux. Aucune issue à un conflit n’est positive si elle ne l’est pas pour tous les protagonistes.
  • Ne jamais chercher à dominer, ne jamais se soumettre, ne jamais faire de compromis :
  • dominer serait faire un vaincu et à terme fabriquer des ennemis. (proverbe japonais : il est un moyen de se débarrasser de tous ses ennemis qui est d’en faire des amis),
  •  se soumettre serait accepter la défaite et donc renoncer à soi en renonçant à son éthique,
  • le compromis est toujours une tentative de domination au rabais qui consiste à refouler temporairement les forces conflictuelles et développer ainsi la violence potentielle.
  • Toute victoire d’une seule des parties est illusoire et temporaire et constitue une violence. Le conflit réglé par la violence se représente toujours.

Les principes généraux que l’on peut en tirer et qui s’appliquent aussi bien au commerce qu’au management et qui devraient régir le monde du travail :

  • Collaborer plutôt que lutter, rivaliser, s’opposer. Travailler à détecter ce qui crée l’opposition et travailler à la résolution du conflit par la mise en place d’une co-action. Le conflit nous indique ce dont nous sommes capables ensemble et absolument pas séparément.
  • Ne jamais séparer combativité et efficacité de respect et honneur.
  • Ne jamais opposer l’intérêt des uns aux intérêts des autres, l’intérêt individuel à l’intérêt collectif
  • Faire du respect de tous et de l’humilité les valeurs cardinales, de la modération de soi et de l’élévation de l’autre une règle intransgressible. Toute personne en situation de commander doit s’assurer que ses décisions n’engendrent pas de souffrance.
  • Ne jamais analyser un problème à partir d’un seul point de vue en appliquant un principe s’exprimant ainsi : qu’est-ce que je regarde, où je le regarde, d’où je le regarde ?

Le but ultime de la pratique du budo est la liberté de l’individu sans laquelle il n’y a ni épanouissement ni paix possible. N’est-ce pas tout simplement le sens de toute vie ?

Et ne sommes-nous pas capables de passer de « tu mangeras à la sueur de ton front » qui fait du travail la réponse souffrante à un besoin fondamental, à une conception du travail comme un moyen d’élévation et de création de lien par la mise en commun des idées, par l’action commune ?

Cette exigence de la sueur légitime le fait que le travail fait souffrir et engendre des divisions qui se traduisent par des luttes incessantes entre des groupes sociaux. Il faut construire de la confiance dans toutes les directions jusqu’à la prise de conscience de : « ce qui nous unit est la tâche à laquelle nous œuvrons tous ensemble ».

Le travail est une culture commune, indicatrice d’une société humaine dans laquelle chacun a sa place qui n’est pas déterminée par une position de pouvoir mais par le niveau de conscience de l’altérité et la capacité de faire passer l’autre avant soi.

Il est évident que l’entreprise d’aujourd’hui doit aller vers plus d’égalité, plus de justice, plus de considération pour ceux qui en ont besoin. Ce mouvement doit partir d’en haut, même si l’harmonie recherchée requiert que ledit mouvement ait lieu dans les deux sens.

Les luttes sociales ne sont pas seulement des revendications concernant des conditions de travail ou de salaire. Elles sont aussi des demandes de considération, de respect, d’attention, toute chose qu’un bon salaire et de bonnes conditions de travail peuvent satisfaire en partie seulement. C’est une réforme profonde de la pensée du travail qui doit avoir lieu. Cela concerne toute la société humaine et la clef de cette réforme est l’abolition du travail vu comme obligation de survie qui engendre tous les réflexes défensifs agressifs dont la conscience humaine est pourvue, source inépuisable de violence. Vivre ne doit pas être une souffrance, travailler ne doit pas faire souffrir.

N’a-t-on pas un droit légitime au bonheur ? Si l’on ne le perd pas de vue que l’aspiration au bonheur est ce qui nous réunit tous, dans le quotidien et en particulier dans le monde du travail, cela permet d’aboutir à une position intérieure créant une empathie juste. De celle-ci découle le respect authentique et spontané, c’est-à-dire sans attente de réciprocité. Faire passer l’autre avant soi signifie bien être capable de donner sans chercher à recevoir et c’est le principe qui conduit à l’harmonie efficace, efficace commercialement, humainement, socialement.

Toute entreprise doit être un espace d’élévation, un lieu dans lequel chacun peut tenter de s’accomplir. Un manageur est une personne qui a à cœur le bien être de tous ceux qui travaillent avec lui, qui lutte intérieurement contre ce qui le divise et qu’il risque de projeter vers les autres. C’est aussi quelqu’un qui lutte contre la gestion en aval qui donne le pouvoir à la rentabilité, car il sait que l’argent est le pire des tyrans, il sait que ce type de gestion fait des ravages dans ses rangs.

Et aucun général honorable ne proposerait une stratégie qui sacrifie ses hommes.

Certes l’histoire ne manque pas d’exemples contraires, ayant conduit à des victoires à court terme mais n’est-il pas temps de réformer nos rapports à la violence et de s’interdire d’y avoir recours partout où cela est possible ? La mémoire génétique archaïque nous souffle constamment à l’oreille : « la violence a toujours payé. La violence paie ».

Il faut modifier celle-ci en construisant l’histoire contraire.

Nous vivons avec un consentement au meurtre chevillé à la partie la plus terrorisée de nos consciences. Nous ne devons plus accepter d’être gouvernés par la peur. Celle-ci fait de toute relation un combat et de tout autre un ennemi potentiel. Existe-t-il un plus mauvais point de vue sur le monde ?

Nous vivons avec un consentement au sacrifice chevillé à la partie la plus meurtrie de nos consciences.

La culpabilité est l’autre plus mauvais point de vue sur le monde.

Nous ne devons plus accepter d’être maltraités et de maltraiter qui que ce soit, pour être conformes à ce qu’exige l’appartenance au groupe, c’est-à-dire la validation de son histoire dont la violence victorieuse est le relief principal.

Quand la violence nous semble la réponse juste, la plus évidente et la plus légitime, nous avons l’opportunité de changer le cours de ladite histoire en refusant de participer au massacre, à la prédation, à la menace, à la torture, et cela, même dans les interstices de nos vies, en particulier dans cet espace si propice qu’est le monde du travail, même quand la torture ne s’exerce que par le moyen de quelques mots, quand la violence tient dans un regard ou des soupirs, quand la menace de mort est véhiculée par le risque économique, annonciateur d’une famine mortelle imaginaire mais bien réelle au niveau symbolique.

Permettez-moi de le dire encore une fois : le corps est suffisant pour dire que vous êtes et qui vous êtes. C’est cette compréhension de la puissance identitaire de la chair, débarrassée des contraintes systémiques, qui permet de dire non à ce consentement implicite à la violence. L’aikido est bien la voie qui libère de la violence en construisant une empathie qui permet de vivre sans ennemi.

André Cognard est le fondateur de l’Académie Autonome d’Aikido et de Kokusai Aikido Kenshukai Kobayashi Hirokazu Ryu.

Le site Souffrance & Travail a également publié l’intervention d’André Cognard « L’intelligence du corps« 


NOTES :

[1] « L’harmonie efficace » livre publié chez Centon Editions 2021.

[2] budo : nom donné aux arts martiaux japonais dont l’évolution récente, contemporaine de Meiji (1868-1912) est caractérisée par leurs visées éducatives.

[3] une démonstration technique mettant en évidence la validité de la stratégie et des tactiques exposées suivait la conférence.

[4] La tradition martiale japonaise fonde l’enseignement sur la relation maître disciple.

[5] Nous avons tous une histoire et une partie de celle-ci reste inconnue. Mais nous devons à cette partie inconnue la même loyauté. Celle-ci intervient dans nos décisions tout en restant inconsciente.

[6] Cette affirmation a nécessité une explication. J’introduis en italique un paragraphe d’un ouvrage, « l’infinitude du corps » à paraître en 2024 pour remplacer l’explication faite lors de la conférence.

[7] consciences naturelles : un concept considère l’activité de la nature comme l’action d’une conscience structurée par une mémoire et un inconscient.

[8] Ce réflexe est souvent à l’origine de la passivité des personnes subissant un abus. C’est un perturbateur de toute relation particulièrement actif dans le monde du travail car il induit une perception de la soumission comme le cadre normal d’une situation hiérarchisée. C’est un point à méditer pour toute personne en position hiérarchique.

[9] Une grande partie de l’aikido est assimilé à un sport et a perdu tout ce qui fait sa valeur. Je parle ici d’une pratique devenue minoritaire en occident.

[10] Ces trois aspects de la voie se retrouvent dans le commerce : il est infraculturel car il répond à des besoins fondamentaux et à leurs projections. Il est transculturel car il dépasse les cadres des différentes organisations humaines et impose des échanges même dans le cadre de conflits politiques avérés par exemple : le gaz russe. Il est interculturel car il véhicule sous forme de produits ou de services des messages identitaires. Le management répond aussi à ces trois critères. Nous le verrons quand nous aborderons le chapitre dédié.

[11] Textuellement : ai harmonie ki énergie. Aikido signifie la voie d’harmonisation de l’énergie. Aiki utilisé sans le Do final est une référence au concept.

[12] Lors de la parution d’un de mes ouvrages, je devais faire une action de promotion au rayon de librairie d’un grand groupe vendant des livres. Je proposais comme titre « La nécessaire modération de soi en toute relation ». Je reçu un refus de l’équipe de direction avec comme motif : « La modération de soi ? Ça n’intéresse personne »

A lire dans le magazine

Réseaux Sociaux

Suivez-nous sur les réseaux sociaux pour des infos spéciales ou échanger avec les membres de la communauté.

Aidez-nous

Le site Souffrance et Travail est maintenu par l’association DCTH ainsi qu’une équipe bénévole. Vous pouvez nous aider à continuer notre travail.