Harcèlement sexuel: une nouvelle loi vers une protection efficace des victimes?

27 mai 2013 | Dans la Loi, Harcèlement Sexuel

Une analyse de la nouvelle loi sur le harcèlement sexuel, par Maître Claude Katz, avocat en Droit Social.

80 condamnations environ sont prononcées chaque année au titre du délit de harcèlement sexuel, chiffre dérisoire au regard du nombre de personnes se déclarant victimes de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail (selon une enquête européenne récente, 40 % des salariés).
Cela n’est pas surprenant à la lecture de la définition, dorénavant abrogée, du délit de harcèlement sexuel : le harcèlement sexuel, c’est « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle », ce texte ne précisant pas les éléments matériels définissant ce délit et n’étant nullement conforme au Droit Constitutionnel imposant une définition claire et précise de tout délit pénal.
C’est donc fort logiquement que le Conseil Constitutionnel a abrogé par décision rendue en date du 4 mai 2012, les dispositions actuelles au plan pénal. C’est dans ce contexte que le nouveau gouvernement formé, conscient de la situation ainsi créée, laissant sans protection les victimes de harcèlement sexuel et impunis leurs auteurs, a immédiatement travaillé sur une nouvelle loi votée le 6 août 2012 et applicable aux faits commis à compter du 8 août 2012.
Les nouvelles dispositions pénales définissant le harcèlement sexuel constituent certainement une avancée pour les victimes de harcèlement sexuel car ces dispositions sont plus précises, prenant en compte l’ensemble des situations de harcèlement sexuel, et donc plus protectrices. L’article 1er de la loi modifiant les dispositions de l’article 222-33 du Code Pénal réprimant le harcèlement sexuel, prévoit une graduation dans la gravité des faits et en conséquence, des peines encourues au moyen de trois alinéas distincts.
Le premier alinéa énonce que : « Constitue un harcèlement sexuel, puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende, le fait d’imposer à une personne de façon répétée, des gestes, propos ou comportements à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. ».
Cette rédaction implique que désormais, il n’est plus nécessaire de démontrer que l’auteur des faits de harcèlement sexuel avait l’intention d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, ses seuls gestes, propos, envois de courriers ou d’objets, attitudes, etc. (Circulaire Criminelle du 7 août 2012) suffisant à caractériser le délit, à condition d’être répétés et commis au moins à deux reprises. En mentionnant que les propos ou comportements réprimés doivent être imposés à la victime, c’est l’absence de consentement qui est constitutif du délit supposant des actes subis et non désirés par la victime.
Par ailleurs, les propos ou comportements doivent porter atteinte à la dignité de la victime en raison de leur caractère dégradant ou humiliant: propos ou comportements ouvertement sexistes, grivois, obscènes, tels que des paroles ou écrits répétés. A cet effet, on relèvera avec satisfaction que le texte réprime le harcèlement environnemental: propos, courriels, affiches sur les lieux de travail, revêtant un caractère intimidant, hostile ou offensant.
L’alinéa 2 de l’article 1er de la loi du 6 août 2012 sanctionne plus gravement le délit de harcèlement sexuel, se référant au « chantage sexuel » en disposant ?qu’ « est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pressions graves dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. ». C’est donc la notion de pressions graves qui a été retenue, se rapportant à des situations très variées dans lesquelles une personne tente d’imposer un acte de nature sexuel à la victime en contrepartie, soit d’un avantage, soit de l’assurance qu’elle évitera une situation particulièrement dommageable: licenciement ou mutation dans un emploi non désiré, etc. La pression doit être exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. En conséquence, peuvent être sanctionnées des personnes qui agissent sans avoir vraiment l’intention d’obtenir un acte sexuel, tel par exemple dans le seul but d’humilier la victime ou d’obtenir sa démission.
L’alinéa 3 de l’article 1er de la loi retient des circonstances aggravantes au plan des condamnations lorsque les faits prévus à l’alinéa 1 sont commis par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ou sur un mineur de 15 ans ou sur une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une défaillance physique ou psychique, où à un état de grossesse est apparent ou connu de leur auteur, ou par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteurs et de complices.
L’un des principaux apports de la nouvelle loi est de sanctionner de façon spécifique les discriminations résultant des faits de harcèlement sexuel au moyen de l’article 3 de la loi. Un nouvel article 225-1-1 du Code Pénal punit toute distinction opérée entre les personnes parce qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel. Les actes commis par des particuliers susceptibles d’être punis car caractérisant des discriminations, consistent à refuser la fourniture d’un bien ou d’un service ; entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque ; refuser d’embaucher, sanctionner ou licencier une personne ; subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service à une condition se rapportant au harcèlement sexuel. Ces faits sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
L’article 4 de la loi se réfère à la discrimination fondée sur l’identité sexuelle (personne homosexuelle, transsexuelle ou transgenre).
Au profit des victimes, la loi a étendu les capacités à agir de certaines associations luttant contre le harcèlement sexuel, et facilité l’indemnisation des victimes par le Fonds de Garantie.
Enfin, l’article 8 de la loi se rapporte à la Fonction Publique et reprend les deux définitions du harcèlement sexuel (article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires).

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