« Je suis souvent à la limite de l’endormissement », des conducteurs CTS épuisés témoignent

05 février 2020 | Stress Travail et Santé

Des chauffeurs de bus et de tram se disent épuisés par leurs horaires très irréguliers et la cadence imposée lors des services. En 2015, 36% des chauffeurs de tram affirmaient s’être déjà endormis en conduisant. Selon le syndicat majoritaire Unsa, les conditions de travail se dégradent depuis 15 ans. Témoignages.

« La direction nous demande de vivre pour notre job. On est des pions qu’on balance où on veut, quand on veut. » Christian (son prénom a été modifié), conducteur de tram à la Compagnie des Transports Strasbourgeois (CTS), a accepté de témoigner. Le chauffeur dénonce des conditions de travail qui se dégradent depuis une vingtaine d’années. L’entreprise, dont le président est Alain Fontanel, candidat LREM pour les élections municipales, compte environ 1 000 conducteurs pour 1 500 salariés au total.

Des chiffres inquiétants

Dans le collimateur du syndicat Unsa, majoritaire à la CTS : la gestion des plannings et des congés. La plupart des conducteurs ont des cycles irréguliers. « Ils peuvent commencer un service à 4h du matin un jour, et finir un service à 1h deux ou trois jours plus tard », explique un délégué syndical de l’Unsa CTS. Pour cette raison, une grève indéfinie a été entamée depuis le 24 décembre. Le mouvement est peu suivi, mais il y a un peu moins de trams (notamment la ligne F) et bus sur le réseau depuis.

Rue89 Strasbourg a pu consulter une enquête du CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité, et des conditions de travail) datant de 2015. Pour cette « enquête du service de santé au travail concernant l’état de santé des conducteurs », 191 salariés ont été auditionnés.

En introduction du rapport, les auteurs rappellent que « le travail en horaire décalé est à l’origine de risques bien connus. » Il induit régulièrement « une dette chronique de sommeil qui augmente le risque de somnolence, les risques cardiovasculaires, les risques digestifs et les risques de développer des troubles anxio-dépressifs. »

Les données recueillies lors de l’enquête confirment le propos syndical : « 36% des conducteurs de tram et 9% des conducteurs de bus interrogés disent s’être déjà endormis en conduisant. » Suite à des entretiens, l’expertise conclut qu’au dépôt CTS de l’Elsau, sur les 51 salariés auditionnés, 19% sont en dépression et 25% sont anxieux. Le rapport souligne l’apparition d’une « dette chronique de sommeil chez des conducteurs » et formule des « inquiétudes quand à leur somnolence et leur état de santé mentale. »

Des plannings du jour au lendemain

Tous les conducteurs de bus ou de tram ont un statut particulier au début de leur carrière à la CTS : ils sont « conducteurs de réserve. » Cela dure en général 6 ou 7 ans, mais la période peut s’allonger à 10 ans. La particularité de ce statut : ils n’ont aucune visibilité sur leur planning et ne connaissent leurs horaires que la veille de leur service, à 10h.

Saïd (son prénom a été modifié), conducteur de bus depuis 4 ans, est dans cette situation. Il explique que « son corps a du mal à suivre » :

« Il m’arrive de faire des nuits blanches avant mon service parce que je suis incapable de m’endormir. Ça arrive surtout quand je commence très tôt. Je peux être amené à me lever à 3h du matin alors que d’autres jours, je me couche à cette heure là. Comme bien d’autres collègues, je suis souvent à la limite de l’endormissement pendant le service. Je stresse beaucoup, j’ai peur d’avoir un accident ou de faire une erreur qui pourrait me coûter mon travail. »

Horaires irréguliers et vie de famille

Le délégué syndical de l’Unsa explique que de nombreux conducteurs rencontrent de lourdes difficultés pour articuler leur vie privée avec leur travail : « Certains accusent même leur métier pour leur divorce. » Christian, qui sort de 8 années en réserve, en témoigne :

« C’est difficile de prévoir des sorties vu que nous ne savons que du jour au lendemain si nous sommes disponibles. Avec ma compagne, nous avons été contraints d’inscrire notre enfant à la crèche tous les jours de 7h à 17h30, parce que nous ne savions pas quand je pouvais le garder. Souvent, je pouvais le chercher à 13h mais nous payions jusqu’à la fin de la journée. »

Les congés doivent être posés 6 mois à l’avance

Le représentant du personnel évoque ensuite les difficultés relatives aux congés que rencontrent les conducteurs…

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