Rester au bureau le plus longtemps possible pour montrer qu’on bosse… Une manie très française aussi répandue qu’improductive.
Alors qu’on imagine facilement la France comme un repaire de tire-au-flanc vindicatifs, c’est au contraire le pays qui a le plus fort taux de présentéisme en Europe. D’après une étude Loudhouse pour Fellowes, 62 % des salariés vont au travail même lorsqu’ils sont malades. « C’est en partie pour lutter contre cette caricature du Français absentéiste que les gens veulent se montrer présents au bureau », explique le sociologue Denis Monneuse, auteur de l’ouvrage Le Surprésentéisme. Travailler malgré la maladie (De Boeck, 2015).
Fakirs d’open space
En 2018, 23 % des salariés ont renoncé à prendre l’arrêt de travail prescrit par leur médecin, alors qu’ils n’étaient que 19 % en 2016 (étude Malakoff Médéric, 2018). « Dans l’enseignement, quand tu restes chez toi, c’est souvent tes collègues qui doivent reprendre ta classe. Comme je ne souhaitais pas les surcharger, il m’est arrivé d’aller travailler avec plus de 39 °C de fièvre et la tête qui martèle, explique Renée Cluzeau, institutrice. Même lorsque j’ai été opérée d’un sein, j’ai fait une convalescence minimum. Par contre, la minorité qui s’arrête pour un oui ou pour un non est souvent mal vue par les confrères. »
Au-delà de cette dimension solidaire, comment expliquer, au pays d’Alexandre le Bienheureux, cette incroyable pulsion qui pousse les grippés à bouder leur couette ?
« En période de crise, la peur du chômage avive le désir de se faire bien voir en se montrant présent, explique Denis Monneuse. C’est un phénomène qui touche tout le monde, du patron qui veut se croire irremplaçable au travailleur en intérim, qui espère décrocher un CDI en multipliant les heures. »
Cette forme démonstrative de relation au travail repose sur un lien supposé entre implication professionnelle et occupation physique de l’espace. L’inconvénient, c’est qu’elle met dans le même panier les stakhanovistes et les fakirs de bureau, capables de rester assis durant huit heures sans se lever de leur siège.