Quantité de Violence au Travail

13 novembre 2017 | Stress Travail et Santé

Si la violence est bien présente dans notre monde du travail, c’est sous une forme discrète et policée. Le devoir d’obéissance et de loyauté inconditionnel rend caduque l’exercice même d’une pensée personnelle qui n’a d’autre choix que de se réfugier dans l’intimité ou alimenter une réflexion que les formes nouvelles d’échange contribuent à rendre publique.

Cet article vient faire écho à l’article du blog de Marie Pezé : Souffrance au travail : comment devenir une sentinelle de territoire
Je me suis formé à la psychodynamique du travail en 2012-13 ; j’y ai rencontré des personnes formidablement dévouées à une cause qui, comme le remarque Marie Pezé, fait l’objet d’atermoiements juridiques et d’atténuations sémantiques avec la fameuse QVT qui évacue la violence de l’analyse et de la réflexion des situations de travail collectives.
Nous pourrions tout aussi bien décliner autrement ce sigle à travers une Quantité de Violence au Travail bien plus heuristiquement adaptée à la réalité vécue par de nombreux salariés, cadres et non-cadres, « managers » et managés.
La violence est fondamentale (J. Bergeret), consubstantielle à la qualité d’être vivant à fortiori humain : elle est brutale par essence parce que alimentée par des sentiments archaïques, la peur, l’angoisse.
Elle ne s’apaise dans les liens avec les autres que lorsque les conditions de sécurité sont réunies, lorsque la crainte du risque d’agression et d’un possible effet de surprise peut être atténuée.
L’insécurité subjective décrite par Marie Pezé, la mise en concurrence, la pression au résultat, la pression subjective à la soumission, la réquisition de l’obéissance (je recommande à ce propos, l’ouvrage de Frédéric GROS, Désobéir), la police de la pensée et de l’opinion de ces organisations totalitaires (« barbarie douce » bien décrite par Jean-Pierre Le Goff), tous ces facteurs contribuent à produire une forme nouvelle de violence, élaborée, pensée, articulée, planifiée, calibrée, individualisée, ciblée dont le seul but consiste à étouffer tout écart à une norme managériale asservie à une vision mortifère de l’économie, une économie de production d’objet et de service obsédée par la recherche de plus-value.
Cette recherche obsessionnelle affecte tous les secteurs économiques (je recommande le livre de L. Boltanski et A. Esquerre, Enrichissement : une critique de la marchandise) ; témoignage probable d’une peur de l’après, collective et individuelle, d’une angoisse de l’effacement subjectif qui trouve dans la marge, dans la plus-value, la possibilité de franchir les limites et de faire comme si il était possible de boucher le trou du « manque à être ».
Via le blog de Jean-François Coffin, psychologue, sur le site de Médiapart

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