Par Bertrand Jacquier, psychologue du travail, auteur du podcast « le psy du travail ».
En 2025, la santé mentale a été érigée en grande cause nationale, un choix qui répond à un enjeu majeur de santé publique, puisqu’un Français sur quatre sera confronté à un trouble mental au cours de sa vie. Cette mobilisation nécessaire vise-t-elle aussi le monde du travail ?
Le 14 mai, les psychologues cliniciens libéraux ont réagi avec force aux propos du président de la République tenus sur TF1 la veille. Emmanuel Macron a mis en cause la profession, l’accusant de ne pas s’investir dans le dispositif « Mon soutien psy ».
La santé psychologique ne se joue pas seulement dans les cabinets ou les hôpitaux : elle se construit aussi au travail.
Il est essentiel de compléter cette réaction avec le rappel que la santé psychologique ne se joue pas seulement dans les cabinets ou les hôpitaux : elle se construit aussi au travail. Or, la France détient des records alarmants en matière de harcèlement moral, d’épuisement professionnel et de morts au travail. Ces drames, loin d’être des faits divers, sont le symptôme d’un système où la prévention des risques psychosociaux et la protection des salariés sont structurellement défaillantes.
Dans les entreprises, la suppression des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), voulue par Emmanuel Macron, a laissé un vide dans la prévention des souffrances au travail. Il est urgent de rétablir ces instances représentatives, garantes du dialogue social sur le travail. Elles ont par le passé été essentielles pour faire reculer les risques et replacer la santé psychologique au cœur de la vie professionnelle.
La restauration d’un véritable dialogue social sur la santé au travail figurait d’ailleurs parmi les recommandations centrales des dernières Assises du travail. Il semble dès lors dérisoire de promettre aux Français de les consulter par référendum sur des sujets plus ou moins « hors sol », alors que la première des consultations démocratiques devrait porter sur leur travail, leur santé et leur sécurité au quotidien. Comment prétendre rénover la vie démocratique si l’on refuse d’écouter celles et ceux qui vivent au quotidien les réalités du monde professionnel ?
Faire de la santé mentale la grande cause nationale ne peut se limiter à des campagnes d’affichage ou à des mesures technocratiques. Cela suppose de reconnaître la parole des professionnels, d’écouter les alertes venues du terrain, et d’agir concrètement pour que chaque lieu de travail devienne un espace de bien-être et de prévention.
Podcast « le psy du travail »
Article issu du site du quotidien L’Humanité
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