Tous au «Communication Meeting»!

Chroniques des Managers

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Assis à son bureau, Jacob vient de rentrer de la cantine, où il a mangé un steak à toute vitesse: il ne manque plus que cinq minutes avant le début du Communication Meeting, et il voudrait terminer un rapport avant d’y aller.
Il est concentré sur son ordinateur, lorsqu’il voit Dylan, le Vice Président responsable de la Stratégie et de la Communication, passer dans le couloir: «Le Communication Meeting va commencer…!»
Jacob le regarde: «Bien sur, Dylan, c’est pour ça que j’essaye de terminer vite…»
Le Communication Meeting a lieu chaque trimestre et c’est le moment où tous les employés vont être réunis pour être mis au courant des dernières nouveautés concernant la société: données financières, situation commerciale, activités techniques, etcetera.
Jacob sait bien que dans son rôle de Manager il doit être présent, même si souvent ce n’est pas là qu’on obtient les «vraies» informations, au contraire. Et les deux heures de meeting – qui souvent deviennent trois – peuvent être très longues, surtout si on a l’esprit pris par plusieurs dossiers en retard. Mais la vie d’un Manager c’est ça aussi, et c’est important de donner l’exemple aux collaborateurs.
En ce moment, en plus, la situation est délicate: à Detroit, où Jacob travaille, le Communication Meeting de trois mois plus tôt a été annulé, et donc les employés attendent des informations depuis 6 mois; 6 mois pendant lesquels l’ambiance n’a pas cessé de se dégrader à cause du licenciement d’une dizaine de personnes: les gens veulent des réponses.
Jacob arrive à l’heure dans la grande salle: il choisit une place qui lui permet de suivre les présentations et, en même temps, observer le public (tous des collègues) et capter les réactions des gens.
A son coté s’assoit Mason, un autre Manager avec beaucoup d’années d’expérience: les deux hommes se saluent cordialement.
On commence avec cinq minutes de retard pour permettre aux derniers retardataires de prendre place: bizarrement il s’agit surtout de managers et directeurs qui, sous le regard de Dylan (qui montre un sourire forcé) s’assoient dans les premièrs rangs. On peut enfin commencer.
L’agenda est riche et l’auditoire attentif, prêt à écouter toutes les différentes présentations, pourvu que cela puisse leur permettre d’obtenir les seules informations qui les intéressent vraiment: celles qui concernent le futur du site de Detroit.
Dylan montre l’agenda et commence la première présentation, celle concernant la situation générale du groupe au niveau mondial, les efforts qui sont demandés pour l’année à venir, le rôle déterminant que le site de Detroit doit jouer.
Pendant le «speech», Dylan ne manque pas de préciser à plusieurs reprises que la présentation qu’il est en train de montrer lui arrive directement du PDG du groupe, William, lequel a présenté ces informations à tous les Vice Présidents. Et dans cette présentation, le nom de Detroit est répété plusieurs fois: en référence à un appel d’offre important gagné pendant les derniers mois, à une excellente activité de réduction des coûts effectuée par les ingénieurs du centre, au rôle majeur que Detroit a désormais dans l’innovation. En plus, la nouvelle ligne de produits, en cours de développement en Inde, amènera de grands bénéfices à leur site dès qu’ils arriveront à la vendre à un client américain.
Pendant les 20 minutes qui suivent, Dylan répète plusieurs fois ces informations, en les reformulant et les reprécisant.
Il ajoute aussi que, à la fin de la rencontre, une amusante animation surprise attend tout le monde.
De sa place, Jacob observe les visages des 300 techniciens et ingénieurs assis à écouter: c’est comme s’ils connaissaient par cœur cette partie du Communication Meeting, où Dylan aime montrer que le PDG s’intéresse à eux et cherche à les tranquilliser, à motiver les concepteurs en expliquant leur rôle important dans l’organisation.
Les gens continuent à écouter les phrases de Dylan sans cligner des yeux: la présentation fournie par William… les succès de Detroit… le rôle du site dans l’Innovation… les difficultés du marché… Jacob connait bien cette technique de communication qui repose sur la répétition, avec des mots différents, du même concept (le prédicateur Martin Luther King en faisait une de ses forces!) mais il n’est pas certain que cela puisse fonctionner pour tranquilliser les collaborateurs.
En effet, gagner un appel d’offre est tout à fait normal pour Detroit, vu le niveau de compétence de ses équipes; et le fait que William parle d’eux n’a rien d’original: jusqu’à il y a deux ans, Detroit a été le centre névralgique du groupe. Le rôle du site dans l’Innovation reste à démontrer; et pour ce qui concerne la nouvelle ligne de produits, que William a décidé de confier à l’Inde à la grande déception des Ingénieurs locaux, si on veut la faire devenir intéressante pour Detroit il faudra d’abord la vendre à un client américain, et pour l’instant les probabilités que cela arrive sont plutôt limitées.
Bref, ce n’est pas pour entendre ça que la salle aujourd’hui est pleine: les derniers appels d’offre ont été perdus et les clients américains semblent préférer d’autres fournisseurs; les équipes veulent donc savoir ce qu’elles vont faire dans les mois à venir; et elles veulent y voir clair au sujet des 10 licenciements du mois dernier.
Dylan le sait, c’est pourquoi la salle aujourd’hui est pleine. Tout le monde le sait. Et les gens attendent…
Pour donner une meilleure visibilité, on présente alors les affaires qu’on va essayer de gagner dans les prochains 12 mois (le business «Target», comme on l’appelle). C’est Jayden qui s’en occupe, un Directeur Commercial provenant de la maison mère anglaise et qui travaille à Detroit depuis plusieurs années.
Il commence par souligner que c’est la première fois que le groupe se fixe un objectif si ambitieux: gagner 800 millions de Livres Sterlings en un an. Seule bémol… il ne s’agit pas de Sterlings, mais de Dollars, comme il est bien marqué dans la diapositive qu’il montre… Jacob s’aperçoit de l’erreur et ne dit rien.
Jayden continue sa présentation et répète l’erreur: il parle à nouveau de Livres Sterlings à la place de Dollars américains. Il ne s’en rend décidemment pas compte.
Il continue à parler en se regardant les pieds et donnant de temps à temps un coup d’œil distrait aux gens dans la salle. Jacob est perplexe. Il regarde Mason à sa droite, pour voir la réaction de son collègue; le visage de Mason est comme le sien: il cache un sourire nerveux.
Dans la première rangée, où sont assis les Directeurs, personne n’intervient: probablement personne ne s’est aperçu de l’erreur.
Entretemps, Jayden continue à présenter le pourcentage que chaque continent devra obtenir pour que la société puisse atteindre l’objectif fixé: 30% devront être gagnés en Europe, 30% au Japon, 40% dans le reste de l’Asie, et 40% en Amérique… Jacob ouvre grand les yeux et à son coté Mason baisse la tête pour qu’on ne le voit pas rire.
Ils n’en croient pas à leurs oreilles. Jacob regarde dans la salle en s’attendant à des bruits de commentaires, mais personne ne réagit, comme s’ils avaient la tête ailleurs: pas bon signe. Il tourne alors son regard vers Dylan et les autres Directeurs: mais la aussi, c’est pareil! On dirait à nouveau que personne n’écoute vraiment ce qui est dit!
Jacob s’inquiète un peu pour la manière dont la communication est faite et sa valeur pour le public : «Espérons que le reste soit mieux…».
Jayden termine assez rapidement et laisse la place à Noah, responsable de l’Innovation. Le projet qu’il présente, en réalité, n’est pas vraiment «innovant»: leurs concurrents ont ce produit depuis des années déjà. Mais Dylan souhaite le présenter comme tel, encore une fois pour inciter les troupes et montrer que, dans leur entreprise, l’Innovation existe. Plusieurs sont sceptiques au regard de cette stratégie de Dylan, mais ils ont dû s’aligner sur le Vice Président.
Noah a 10 minutes pour montrer les dernières nouveautés de ce produit: il commence par projeter un film de quatre minutes, très bien fait par le département de la communication, mais qui est plus orienté vers une publicité du produit auprès des clients que vers une présentation pour les ingénieurs de Detroit.
Pas grave. Le film passe vite, sous la curiosité de l’auditoire. Puis Noah commence à parler plus en détail du projet. Son rythme est heureusement beaucoup plus rapide que celui de Jayden, mais il y a quelque chose d’étrange dans ses phrases… Apres quelques secondes, Jacob réalise qu’il répète lourdement le mot « voilà »… La fréquence est si élevée qu’il décide de compter combien de fois son collègue le dira pendant les six minutes qui restent.
Il se sent un peu stupide, tout en comptant, mais il le fait car il pense qu’il s’agit d’un Senior Manager en train de parler d’innovation pour motiver 300 personnes. Dylan a déjà passé 20 minutes à répéter les mêmes choses, Jayden encore 10 à parler à ses pieds en donnant des chiffres incohérents: Noah parle maintenant comme un garçon de 8 ans face à ses grands-parents.
Les minutes passent… Jacob continue à compter… pour compliquer les choses, Noah décide de faire une blague assez banale qui provoque le rire du public – plus pour défouler la tension que pour l’humour des mots. Les minutes se sont écoulées: avec la dernière phrase, Noah a été capable de répéter « voila » bien 59 fois!
«Mason, essaye de deviner combien de fois il a dit «voilà» en 6 minutes !»
– Je ne sais pas… 25 ?, sourit Mason.
– 59…
Mason change d’expression: «mais ils ne savent même pas parler…»
Après l’intervention rapide de Sophia, des Ressources Humaines, qui présente les actions de bénévolat, on recommence à parler de travail concret avec la Directrice Qualité, Emma: une personne très compétente.
Dès qu’elle prend la main, cependant, elle appuye sur la mauvaise touche du pointeur: la présentation se retrouve à la première page! On pourrait facilement la faire revenir à la page 81, où elle était positionnée, mais personne ne pense à sortir du “mode diaporama” pour effectuer l’opération.
Et c’est comme ça que Emma doit faire défiler de nouveau toutes les slides, une par une… S’il y avait quelque chose dont on n’avait pas besoin pour ennuyer et stresser encore plus l’auditoire, c’était exactement cela. le public, déjà assez ennuyé et tendu, a le droit à deux minutes de “réplique” : tout ce qui avait été montré par Dylan, Jayden, Noah et Sophia défile à nouveau devant leurs yeux, lentement: énervant.
Jacob voit Mason rester silencieux: Emma est son chef. En cachant son embarras, la Directrice continue à faire avancer les diaporamas. On arrive enfin à la 81eme. Emma réduit la tension avec une jolie phrase : «Je ne touche plus à rien, ne vous inquiétez pas!» : les 300 employés sourient.
La présentation de la Qualité se déroule parmi les bâillements de tous, comme d’habitude. Les regards des gens commencent à être plus fatigués.
C’est donc à nouveau à Sophia, pour communiquer les gagnants des “Prizes for Excellence” des 6 derniers mois: le Prize for Excellence est une reconnaissance donnée à ceux qui se sont distingués pour l’excellence dans l’exécution de leur travail. Cette fois ci les primes sont tellement nombreuses qu’il n’y a même pas le temps d’applaudir entre l’une et l’autre. Cela ressemble plus à une course contre le temps qu’à une cérémonie de remise des prix. Désormais Jacob sourit nerveusement : la raison principale pour laquelle les gens sont allés à ce meeting semble avoir été oubliée par tous ceux qui présentent… sauf si cela est fait exprès.
Après Sophia, c’est le tour des trois leaders des groupes d’amélioration. Chaque année, il est effectué un sondage concernant la satisfaction des employés. A partir des résultats des sondages on définit les trois principaux axes d’amélioration et on crée trois groupes de travail. Cette année les groupes couvrent l’Innovation, les Systèmes Informatiques (S.I.) et la Communication; et les leaders sont trois femmes: Olivia, Ava et Emily.
Olivia monte sur scène pour présenter les résultats du groupe Innovation: elle montre que, dorénavant, les propositions d’Innovation pourront être soumises plus facilement à travers le site Intranet de la société, destiné à accueillir les nouvelles idées. Puis, elle rappelle qu’une nouvelle salle a été affectée pour présenter tous les produits innovants créés par la société et spécialement par les équipes de Detroit.
Olivia laisse sa place à Ava: le groupe d’amélioration des S.I. a effectué quelques propositions dont la plus importante consiste à expliquer, à chaque «Communication Meeting», la terminologie utilisée par les Informaticiens: c’est-à-dire le type de technologie ou d’activité qu’il y a derrière un sigle ou un mot difficile à comprendre pour les non-experts.
Enfin, Emily, qui souligne deux résultats importants obtenus par son groupe: tout d’abord, les petits déjeuners à thème, pour donner plus de visibilité dans certains secteurs; et après, la proposition de télécharger beaucoup plus rapidement sur Intranet les présentations de chaque «Communication Meeting».
Le silence dans la salle rappelle celui d’un théâtre ou le public ne rit pas aux blagues du comédien.
Il est déstabilisant, froid, embarrassant.
Le sondage existe depuis 10 ans, et les groupes de travail n’ont jamais rien produit d’utile. Même pas cette année… La possibilité d’introduire des idées dans l’Intranet n’est certainement pas nouvelle: elle existe depuis 6 ans, elle n’est absolument facile à utiliser et beaucoup sont convaincus que les idées soumises vont directement à la poubelle. La salle pour les produits innovants, après, rassemble des composants qui ont déjà quelques années, ou des prototypes qui ne deviendront jamais des produits. Expliquer les activités des S.I. à des Ingénieurs équivaut à expliquer aux joueurs du Real Madrid de quelle manière on tape le ballon… Les petits déjeuners à thème ont été boycottés par les directeurs eux mêmes, car “ils prenaient trop de temps”. Et l’idée de télécharger les présentations plus rapidement dans l’Intranet… no comment !
Jacob appuie la tête sur le fauteuil en face. Apres il reprend vite une position correcte, pour ne pas se faire remarquer. Il sait que les personnes dans la salle ne croient plus aux contes de fées.
Le meeting touche à sa fin: il reste la présentation de Michael, le gestionnaire des meubles et des bureaux. Ses cinq minutes sont dédiées à résumer ce que son service a fait pour le site pendant les deux dernières années: les bureaux et les armoires ont été remplacés par du matériel moderne; les rideaux ont été enlevés, réparés et remis à leur place; et en ce qui concerne les prochaines améliorations, toutes les chaises seront remplacées par des nouvelles au cours des trois prochaines années.
Si cela ne faisait pas rire, il semblerait plus un message de «propagande politique» dicté par Dylan.
Mais c’est tellement grotesque.
Jacob est trop tendu, il a du mal à supporter tout ca. Mason, le chanceux, est parti à la sauvette des que sa chef a fini la présentation de la Qualité. Ma lui il ne peut pas partir, il doit rester. Il est bien plus en vue que Mason. Et il souhaite aussi rester pour écouter, pareil que tous les autres dans la salle.
Les présentations sont terminées. C’est le moment des questions et réponses. Habituellement il y a toujours un moment de silence avant que quelqu’un décide de lever la main: Dylan est préparé à ca.
Mais, à la surprise générale, du cote opposé à celui ou est assis Jacob, une main se lève: c’est celle de Scarlett, une représentante des syndicats. Des les premiers mots, on comprend que le discours a été préparé en avance.
Elle a du courage, Scarlett: elle commence claire et directe, elle attaque à fond la stratégie de la société, la position de Dylan et la politique du groupe. Son discours a un fort impact émotionnel sur le public.
Jacob écoute en pensant à l’embarras que Dylan est certainement en train de ressentir en ce moment: pas tellement pour l’attaque directe dont il fait l’objet, mais plutôt parce que Scarlett est en train d’inverser totalement le ton que Dylan a essayé de donner au meeting pendant deux heures.
Cette femme est en train de rendre la parole à un public silencieux qui attend de connaitre la vérité sur ce que l’avenir lui prépare. Une vérité que Dylan essaye à tout prix de cacher, mais qui, peut-être, grâce à l’intervention de Scarlett, va être au moins en partie révélée.
Le discours de sa collègue continue. Apres la description de l’état du site de Detroit, suivi par les attaques à la Direction, Scarlett conclue par des questions directes: «Pourquoi le nouveau projet, pour la nouvelle ligne de produits, a été affecté à l’Inde plutôt qu’à nous? Quelles sont les activités prévues pour les Ingénieurs de Detroit? Pourquoi continuez-vous à nous parler d’Innovation si nous n’en faisons pas?».
Les 300 présents sont un peu plus réveillés, maintenant: ceci les intéresse bien plus que se faire expliquer la “difficile” terminologie informatique!
Mais l’émotion initiale passée, Jacob réfléchit un peu plus aux mots de Scarlett: il devient incertain.
L’auditoire ne le sait pas, mais lui si: bien que émotionnellement forte et spontanée, l’approche de Scarlett reste une simple attaque. Et comme pour chaque attaque sans stratégie, il sera certainement facile pour Dylan de se défendre et contre-attaquer. Non, il n’y a pas de stratégie dans son discours. Il n’y a pas de données objectives. Il n’y a pas de réplique préparée.
Les questions de Scarlett sont fortes, dures, incriminantes, c’est vrai: elles ressortent d’un esprit fatigué d’entendre hypocrisie et mensonges pendant que les gens sont virés. Scarlett a réussi très bien à transmettre l’état d’âme du site, ce que Detroit est en train de vivre; mais son discours et bien loin d’obtenir la verité qu’elle cherche.
Ce qui devait être un meeting de communication est en réalité une partie d’échecs.
Tout le monde pense que Dylan soit dos au mur: mais c’est exactement le contraire. Avec toujours le même calme qui le caractérise («Dylan est un animal à sang froid!», aime répéter Mason), le Vice Président revient sur chacune des questions, en commençant par la première: «Les principaux clients intéressés au nouveau produit sont en Asie, pas en Amérique. Les ingénieurs les plus expérimentés nous les avons débauchés de chez nos concurrents, basés en Inde… la décision de développer le produit à Mubai est donc un choix logique de notre entreprise. Mais comme je vous l’ai dit, dès qu’un client américain sera intéressé à ce produit, alors ce sera à vous de développer la nouvelle application».
«Mais pourquoi Scarlett s’est focalisée sur ce nouveau produit?», pense Jacob. «Qu’est ce qu’elle prétend? Qu’ils nous donnent des nouveaux projets seulement parce que nous somme sympathiques? Elle a donné à Dylan le bâton pour se faire battre!».
Dylan continue: «Ici à Detroit nous avons des excellentes compétences, qui doivent être employées pour générer des idées nouvelles, innover: il faut être créatifs et proposer des nouveaux produits, comme les ingénieurs de Detroit savent faire très bien. C’est ça, votre rôle futur!»
Scarlett répète: «Mais de quel type d’Innovation parles-tu? Il me semble n’avoir jamais vu d’Innovations dans notre société!»
«Je comprend ton inquiétude lorsque tu dis qu’il n’y a pas beaucoup de projets à développer à Detroit, Scarlett, et tu as raison. Mais je ne suis absolument pas d’accord sur le reste: tu oublie le système que nous avons conçu et développé l’année dernière, et le succès qu’il a obtenu au salon? Ce système est maintenant demandé par les clients du monde entier! Tu oublies aussi le risque énorme que nous avons accepté de prendre avec notre principal client américain pour développer un produit révolutionnaire? Tu vois, Scarlett, tout ça ce sont des choses que tu as peut être oublié…»
La réponse de Dylan fait mal: c’est un mauvais coup pour Scarlett.
Jacob n’est pas surpris, mais cela le heurte aussi. Il reste silencieux comme les autres: Scarlett aurait dû se renseigner sur le nombre de projets en fin de développement et sur combien sont ceux en cours de démarrage; elle aurait dû faire la différence entre les deux et déduire facilement le nombre d’ingénieurs qui resteront sans aucun projet dans 6 mois. Puis elle aurait dû retrouver les budgets Innovation des 5 dernières années, faire une moyenne et calculer combien d’ingénieurs pouvaient espérer être employés dans des activités d’innovation l’année prochaine!
En comparant le nombre d’ingénieurs désormais sans projets à celui des ingénieurs sur le point d’être affectés à l’innovation, elle aurait ainsi obtenu des données objectives qui auraient vraiment mis Dylan en difficulté.
Et, surtout, elle aurait donné beaucoup plus de visibilité aux 300 personnes.
Si seulement Scarlett avait parlé à Jacob après avoir préparé son discours, elle aurait découvert que le produit de l’année précédente avait été développé par Jacob lui même, grâce à une collaboration importante avec un autre client américain: leur société n’a investi même pas un Dollar dans ce programme. Et elle aurait aussi découvert que l’investissement à haut risque – dont Dylan parlait – avec son principal client n’a pas été un choix, mais une obligation: ce client avait retiré à leur société tout le business qu’il lui avait attribué auparavant, et il avait posé un clair out-out: soit vous travaillez sur ce programme, soit vous avez fini de travailler avec nous.
Mais le discours n’avait pas été préparé comme il fallait: et maintenant, après deux heures et demie, ils sont tous là, assis à écouter Dylan répéter à nouveau les messages lancés deux heures et demie plus tôt, comme un refrain.
En plus, il se sent maintenant beaucoup plus détendu qu’auparavant. A un niveau tel que, sans aucune pression, c’est lui même qui aborde le discours des 10 licenciements: il parle de ô combien l’aspect humain a été pris en compte, de comment la société s’est montrée correcte et combien la prime de licenciement a été importante.
Apres la “gifle” reçue par Scarlett, personne ne se sent en mesure de répondre à Dylan que la prime était pitoyable et qu’ils avaient traité les personnes comme des chiffres.
Les gens dans la salle ont le regard dans le vide. on ne les entend même pas respirer.
Jacob les observe, inerte lui aussi, pendant que les Directeurs de la première rangée se gardent bien de tourner la tête.
Ce “Communication Meeting” se termine ici. Mais avant de partir, il y a l’animation finale: une surprise qui maintenant peut être dévoilée. Une compagnie d’acteurs va divertir tout le monde pendant une heure.
Le leader du groupe monte sur scène et explique en quoi consiste le spectacle. Les autres membres du groupe se joignent à lui: ils ont l’air de gens bien et de professionnels sérieux. Peut être le spectacle sera amusant. Mais Jacob n’attend pas pour le savoir. Il se lève et s’en va.
Des comédiens, aujourd’hui, il en a vus beaucoup trop…

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La septième Chronique des Managers, de notre contributeur Don Nicola.

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