Depuis plusieurs décennies, on observe une augmentation de l’incidence et de la prévalence des maladies mentales liées au stress au travail, et ce dans de nombreux pays.
Les professionnels de santé étant exposés à un niveau de stress très élevé, ils présentent, de fait, un risque accru de développer un syndrome d’épuisement professionnel.
Le burnout
Le syndrome de burnout ou épuisement professionnel se caractérise par la présence d’une association de symptômes entrainant un impact négatif sur les performances cognitives et sur l’humeur. Il est fréquemment lié à un stress excessif et prolongé au travail. On peut dire qu’il est une réponse naturelle au stress accumulé, caractérisé par un épuisement émotionnel entrainant une perte d’enthousiasme pour le travail (épuisement émotionnel) et une dépersonnalisation ayant pour conséquence une perte d’intérêt pour la prise en charge des patients. S’y ajoutent un manque d’empathie, un sentiment de cynisme et une faible perception de l’accomplissement personnel. Le burnout peut donc altérer le professionnalisme, dégrader la qualité des soins et augmenter le risque d’erreurs médicales. Il augmente également la possibilité de développer des pathologies à la fois physiques et mentales. [1,2] ]
La cause du burnout
Physiologiquement, les causes du burnout sont encore à l’étude, mais il semblerait que des concentrations sanguines chroniques élevées en cortisol soient liées au développement de l’épuisement professionnel. Par conséquent, l’axe hypothalamo-hypophysaire serait probablement impliqué.
Les facteurs favorisants le risque de développer un burnout
Au regard de l’augmentation de l’incidence de l’épuisement professionnel chez les médecins, les études sur le sujet ont permis d’identifier plusieurs facteurs de risque, parmi lesquels se distinguent :
- les horaires prolongés et décalés,
- un environnement de travail hostile,
- être interne,
- être une femme,
- une rémunération insuffisante.
Le burnout, phénomène fréquent
Dès 2012, une étude menée par le Dr Tait Shanafelt (Stanford University School of Medicine) et al. montrait l’impact du burnout sur l’équilibre travail / vie personnelle chez les médecins américains par rapport à la population générale. [2] ] Il s’agissait de la première étude nationale évaluant le taux d’épuisement professionnel chez les médecins. Cette enquête, recensant 7 288 médecins et 3 442 travailleurs adultes au sein de la population générale, révélait que 45,8% des médecins ressentaient au moins un symptôme de burnout (précédemment décrit) et que 40,2% rapportaient être insatisfaits de l’impact de leur condition professionnelle sur leurs vies personnelles. Les taux les plus élevés étaient retrouvés chez les médecins de première ligne d’accès aux soins (médecine de ville, médecine interne et médecine d’urgence). Compartivement aux travailleurs issus de la population générale, les médecins étaient plus susceptibles de présenter des symptômes en lien avec un épuisement professionnel (37,9% contre 27,8%).
De nombreuses études et enquêtes montrent que le burnout est non seulement en augmentation par rapport aux années précédentes, mais c’est également un phénomène international, que l’on retrouve dans de nombreux pays disposant pourtant des systèmes de santé très différents.
Ainsi, en 2019, alors que la pandémie du Covid-19 n’était pas encore d’actualité, des enquêtes de Medscape alertaient sur le burnout des soignants.] Par exemple, chez les médecins exerçant au Mexique, le sondage auprès de 1500 praticiens de 30 spécialités, montrait que 36% d’entre eux étaient en burnout. Pour 20% d’entre eux, il s’agissait de symptômes de dépression sévère, installée, affectant leurs activités professionnelles et/ou personnelles. Parmi les facteurs ayant contribué au burnout, 44% des médecins attribuaient leurs symptômes directement au travail et aux conditions qui en découlent tandis que 43% le mettait en lien avec une faible rémunération. Concernant les relations avec leurs patients, 37% affirmaient se sentir moins motivés à les prendre en charge, 31% rapportaient se sentir moins proches, moins empathiques envers eux et 24% étaient facilement irrités par certains patients et leur accordaient moins d’attention.
[En France, dans une enquête similaire (2018), près de 30% des 1000 praticiens français interrogés déclaraient souffrir de burnout, et 74% reconnaissaient que leur épuisement professionnel avec un impact négatif sur la prise en charge de leurs patients et la relation qu’ils entretiennent avec eux.En 2020, la pandémie de COVID-19 a contribué à exacerber l’épuisement professionnel des médecins, avec un même constat en France (où 49% des médecins interrogés étaient en burnout), au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne, ou au Mexique.]
Guérir et prévenir le burnout
Le syndrome de burnout n’est pas seulement un problème de santé publique. Il constitue un risque de complications médicales physiques et psychologiques et favorise les diagnostics inappropriés, la détérioration de la relation médecin-malade et les relations avec les équipes au sein du travail. Il est donc essentiel d’oser parler de santé mentale. L’identification des symptômes d’anxiété ou l’augmentation des facteurs de risque de burnout sont des raisons suffisantes pour envisager la mise en place d’interventions précoces.
– La première chose essentielle est d’identifier les symptômes. Il s’agit ensuite de comprendre que souffrir d’un burnout n’entache en rien nos capacités en tant que professionnel de santé. Cette notion est fondamentale. Avoir un burnout n’entache en rien nos capacités en tant que professionnel de santé.
– Lorsque le problème est identifié, il est recommandé de solliciter l’aide d’un professionnel (psychiatre, psychologue…). La plupart des médecins traversent seuls l’épreuve du burnout. Il existe pourtant des structures qui peuvent leur venir en aide [en France : Association Soins aux Professionnels de la Santé ]
– Il convient également d’évaluer continuellement son stress personnel. Il est nécessaire et primordial d’identifier les comportements associés à un stress accru afin d’instaurer précocement des thérapeutiques adaptées.
– La promotion de soins de santé visant à réduire le stress au travail est capitale.
– Une bonne alimentation et la pratique d’un sport sont des facteurs protecteurs du développement de symptômes d’anxiété, de dépression ou de burnout.
Conclusion
Dans la mesure où nous sommes des professionnels de santé avec des horaires prolongés ou décalés et que nous sommes soumis à des états de stress chroniques au quotidien, nous sommes à haut risque de développer un burnout.
L’important réside dans la reconnaissance des symptômes en lien avec le burnout et la demande d’une aide professionnelle le cas échant, permettant de fournir des outils pour affronter et surmonter cette maladie. Car oui, le burnout est une maladie.
Il apparait pertinent de rappeler que personne n’est à l’abri de l’épuisement professionnel, mais que nous détenons le pouvoir d’y faire face et de le traiter, améliorant ainsi notre santé et notre qualité de vie.
Via le site Mescape, traduit et adapté d’un article publié originalement sur Medscape en espagnol le 18 novembre 2021.