Le Lean management sans accompagnement du changement génère des risques psychosociaux

Burn Out, Emploi et Chômage, Stress Travail et Santé, Suicide Au Travail

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Elodie Montreuil (SECAFI – Groupe Alpha) et son équipe s’intéressent aux dégradations des relations de travail dans une société de restauration collective.

«Le cas présenté ici est celui d’une société de restauration collective pour laquelle nous sommes intervenus suite à une alerte du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) relative à l’apparition de fortes violences internes. Le secrétaire du CHSCT souhaitait une expertise et faisait également état de situations de harcèlement de la part de l’encadrement. Tout au long de notre mission, nous nous sommes attachés à comprendre comment une telle dégradation des relations de travail était apparue en quelques mois au sein d’un établissement qui jusqu’ici jouissait d’une ambiance de travail favorable. Comme nous l’avançons, la mise en œuvre sans accompagnement systématique d’un projet de Lean Management (ce qui est devenu explicite pour nous lors du déroulement des entretiens), a été un des principaux éléments permettant la compréhension de cette situation.
Introduction
À travers l’exemple que nous présentons, cet article apporte une contribution à l’analyse des relations entre les principes du Lean Management, les modalités d’implantation de celui-ci et les facteurs de Risques PsychoSociaux (RPS) qu’il peut générer. Nous insistons particulièrement sur les conditions de son déploiement ainsi que sur les modes de prévention qui peuvent être actionnés pour mieux maîtriser les risques associés à la diffusion de ce modèle d’organisation.
C’est un éclairage utile au moment où les méthodes du Lean management connaissent, depuis plusieurs années, une diffusion importante. Car au regard du contexte économique actuel, les entreprises sont, en effet, de plus en plus à la recherche de solutions permettant d’accroître leur productivité et de limiter les gaspillages. Mais le recours au Lean management n’est toutefois pas sans incidences potentielles sur la santé des salariés car bien souvent, cette méthode est déployée sans accompagnement au changement, en transposant le modèle tel qu’il a été conçu à l’origine (dans les entreprises Japonaises), sans prise en compte des contextes spécifiques à chaque organisation.
Les origines du Lean Management : une philosophie d’entreprise basée sur l’expérience japonaise et le contexte économique des années 50-70’
L’apparition d’un nouveau modèle organisationnel au Japon est née juste après la défaite du pays au sortir de la seconde guerre mondiale. L’objectif était de rattraper le retard japonais en matière de productivité afin de sauvegarder l’industrie automobile nationale. A l’époque, il était plutôt question de juste-à-temps et cette méthode développée par Ohno Taiichi (1990) s’est d’abord diffusée chez Toyota dans les années 50 et 60.
Ce « nouveau » modèle organisationnel repose sur deux principaux piliers adaptés au contexte de l’époque :

  • « la production en juste à temps ». Il s’agit d’une production à flux tendus basé sur la chasse aux gaspillages et une diminution au plus juste des stocks, voire leur élimination. Le système consiste aussi à « penser à l’envers » (B. Coriat, 1991), en tirant la production depuis l’aval, c’est-à-dire en partant de la demande de la clientèle. Ce système s’oppose à la logique du fordisme qui conduit à « pousser » la production, à partir de l’amont, sans se poser la question des débouchés (la clientèle).
  • « l’auto-activation de la production ». L’objectif est ici de conférer de l’intelligence à la machine afin qu’elle soit en mesure de déterminer ce qui est conforme ou non par rapport aux critères de qualité. Ce principe évite donc le gaspillage en éliminant la production de « masse » des défauts et les productions excédentaires. L’auto-activation entraîne des conséquences importantes pour l’organisation du travail. Les temps de surveillance des machines peuvent être réduits. Le salarié devient polyvalent en s’occupant de plusieurs machines à la fois.

Cette nouvelle organisation du travail développée initialement au Japon, qualifiée de « Ohnisme » ou de «Toyotisme » vise ainsi à améliorer la performance de l’entreprise en reconfigurant le rôle des opérateurs.

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