La loi travail crée une nouvelle dérogation au secret médical pour les salariés

29 juillet 2016 | Dans la Loi, Stress Travail et Santé

Dans les modifications du système de santé au travail apportées par la loi travail, beaucoup sont restés focalisés sur la disparition du caractère nécessairement médical de la visite d’embauche, là où des enjeux majeurs se situent ailleurs. En effet, peu se sont emparés des modifications dans les procédures de contestation des avis d’aptitude au poste de travail. Et pourtant…

Petit rappel. En l’état actuel du droit, lorsqu’un médecin du travail rend un avis d’aptitude, celui-ci peut être contesté par le salarié ou par son employeur auprès de l’inspecteur du travail. Si vous regardez vos fiches d’aptitude, c’est expliqué (en petit, peut-être) en bas, avec la mention suivante:

Cet avis peut être contesté dans les deux mois suivant sa notification, par lettre recommandée avec avis de réception, auprès de l’inspecteur du travail (art R.4624-35 du code du travail ou R.717-18 du code rural et de la pêche maritime).

Si vous êtes mis apte tout le temps et qu’à votre boulot, tout se passe bien, peut-être que vous ne cernerez pas le côté crucial de ce dispositif. L’aptitude systématique a effectivement peu de sens sur le plan médical et contribue à discréditer la médecine du travail auprès des salariés qui se portent bien. Par contre, si vous êtes salarié et que le médecin du travail vous a déclaré inapte au poste, et que vous n’êtes pas d’accord, que cela vous fait perdre votre emploi ; ou bien, à l’inverse, si on vous déclare apte et que vous estimez ne plus pouvoir tenir, vous comprenez l’intérêt que revêt la possibilité d’un réexamen sérieux de votre situation.

Au cours de cette procédure, gratuite à la fois pour l’employeur et le salarié, l’inspecteur du travail mandate un médecin-inspecteur du travail. Enfin… quand il y en a ! Il faut dire que tous les postes de médecins-inspecteurs du travail sont loin d’être pourvus. C’était déjà le cas avant que Myriam El Khomri annonce, lors du dernier congrès national de médecine et santé au travail de juin 2016 une « grande campagne de recrutement de médecins-inspecteurs du travail », annonce qui a suscité quelques rires dans l’audience. Il n’y a qu’à suivre les petites annonces de recrutement médical pour voir que ladite « grande campagne de recrutement » dure au moins depuis plusieurs années et qu’elle n’a nullement été lancée par la ministre ! Bien sûr, à aucun moment la ministre s’est interrogée sur les conditions de travail des médecins-inspecteurs, mais c’est un autre sujet.

Le médecin-inspecteur du travail, donc, refait une consultation avec le salarié. Il sait de quoi il parle dans la mesure où un médecin-inspecteur du travail a nécessairement au moins cinq années de pratique de la médecine du travail. Ensuite, l’inspecteur du travail et le médecin inspecteur s’entretiennent tous deux avec le salarié, puis avec l’employeur et une décision est rendue. Elle remplace l’avis rendu par le médecin du travail.

Ça c’était avant. Enfin, maintenant, jusqu’à ce qu’on ait les décrets d’application de la loi.

Que va-t-il se passer ensuite ?

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