Les premières conventions dites de forfait jours ont été mises en place par les lois Aubry II, et ces conventions ont plusieurs fois fait l’objet de modifications. Si les toutes dernières modifications ont été faites par la loi El Khomri, le régime juridique actuel est principalement basé sur la loi du 20 août 2008 qui a modifié l’article L.3121-43 du Code du travail.
Par Cathy Neubauer, Avocat.
I. Un enjeu important
Les premières conventions dites de forfait jours ont été mises en place par les lois Aubry II, et ces conventions ont plusieurs fois fait l’objet de modifications.
Si les toutes dernières modifications ont été faites par la loi El Khomri, le régime juridique actuel est principalement basé sur la loi du 20 août 2008 qui a modifié l’article L.3121-43 du Code du travail qui dispose que :
« peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l’année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l’accord collectif prévu à l’article 3121-39 :
1° Les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou l’équipe auquel ils sont intégrés ;
2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées. »
Ce texte a encouragé de nombreuses entreprises à utiliser ce type de convention dans leurs relations de travail dans l’encadrement de haut niveau afin d’éviter un décompte minutieux des horaires de salariés, est néanmoins un système qui présente des risques pour l’entreprise.
Néanmoins un certain nombre d’entreprise en ont fait les frais lorsque les tribunaux ont purement et simplement annulé les conventions de forfait jours passés avec leurs salariés.
Si une simple nullité est censée remettre les parties en l’état avant la passation du contrat annulé, tel n’est bien entendu pas le cas du contrat de travail qui est un contrat qui s’exécute dans le temps et qui implique la prestation d’un travail en échange d’un salaire.
Il convient de rappeler que les conventions de forfait en jours sur l’année permettent de rémunérer certains salariés sur la base d’un nombre de jours travaillés annuellement, laissant ainsi au salarié plus de liberté pour organiser son emploi du temps, elles comportent une part de risque.
En effet, pour pouvoir être mis en œuvre, ce type de convention doit faire l’objet d’un accord collectif puis donner lieu à la conclusion d’une convention individuelle avec chaque salarié concerné, tout en prenant soin de contrôler la charge de travail du salarié, qui doit rester compatible avec une vie privée équilibrée.
Il faut à ce titre rappeler que la Cour de cassation est particulièrement sensible aux risques psycho-sociaux.
La Cour de cassation n’a jamais hésité à annuler une convention de forfait jours en cas de non-respect des règles.
En effet cette dernière contrôle très sévèrement les conventions de forfait jours et, depuis 2013, a annulé un certain nombre de conventions notamment dans la branche de la chimie, du commerce de gros, des café-hôtel-restaurant au motifs, entre autres, que lesdites conventions ne garantissaient pas « une amplitude et une charge de travail raisonnables », et n’assuraient pas « une bonne répartition, dans le temps » du travail du salarié.
Or, l’annulation d’un contrat de travail de type forfait jours est loin d’être anodine et peut causer la perte d’une petite entreprise dès lors que l’annulation dudit forfait implique le paiement à titre d‘heures supplémentaire, de toute heure travaillée au-delà de la 35ème et ceci sur toute la période de la prescription en vigueur au moment de l’annulation sans compter les sanctions encourues et notamment la condamnation de l’employeur à régler au salarié une indemnité pour travail dissimulé d’un montant forfaitaire de 6 mois de salaire sans compter les éventuelles condamnations pénales.
En effet, au début, la jurisprudence considérait que le seul fait de soumettre un salarié au forfait jours sans lui faire signer une convention individuelle et de le priver ainsi du droit au paiement des heures supplémentaires, caractérise en soi l’élément intentionnel requis pour la condamnation pour travail dissimulé (Cass. soc. 28 février 2012, n°10-27.839).
Cette jurisprudence a été largement atténuée depuis.
En effet, un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle, à juste titre, que le juge ne peut condamner l’employeur à verser au salarié l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé sans établir son intention frauduleuse (Cass. soc. 16 juin 2015, n° 14-16953).
On ne peut que se réjouir de ce revirement dès lors que de nombreuses annulations de conventions de type forfait jours ont été annulées.
D’ailleurs la Cour de cassation vient encore, le 14 décembre courant, d’annuler une de ces conventions :
« Est nulle la convention de forfait conclue sur le fondement des dispositions de l’article 9 de l’avenant n° 20 du 29 novembre 2000 relatif à l’ARTT, dans sa rédaction issue de l’avenant n° 20 bis du 6 novembre 2001, à la Convention collective nationale de l’immobilier du 9 septembre 1988, qui, dans le cas de forfait en jours, se limitent à prévoir, s’agissant de la charge et de l’amplitude de travail du salarié concerné que l’employeur et l’intéressé définissent en début d’année, ou deux fois par an si nécessaire, le calendrier prévisionnel de l’aménagement du temps de travail et de la prise des jours de repos sur l’année et établissent une fois par an un bilan de la charge de travail de l’année écoulée. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans cet arrêt. » (Cass. soc., 14 décembre 2016, n° 15-22.003)
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