« A l’hôpital, nous sommes nos premiers fossoyeurs »

24 février 2020 | Stress Travail et Santé

Le livre Urgences, Hôpital en danger, paru mercredi, est un cri d’alerte. Un de plus. Il donne la parole à une vingtaine de paramédicaux (infirmier.es et aides-soignant.es) qui témoignent de la situation à l’hôpital public.

L’ouvrage apporte, à la manière d’une mosaïque, un éclairage sur les réalités que vivent au jour le jour les soignants.

Patients morts sur des brancards, insultes, enfer des plannings, sous-effectifs, turnover, système D… ce livre choral et polyphonique, à l’image de la lutte menée depuis bientôt un an, égrène les symptômes des dysfonctionnements structurels dont souffre l’hôpital public. Il vient ainsi (re)légitimer la parole des paramédicaux, souvent déconsidérés et méprisés car moins qualifiés que leurs collègues médecins. Entretien avec Hugo Huon, infirmier à l’hôpital Lariboisière à Paris jusqu’en début d’année, et président du Collectif Inter Urgences, coordinateur de l’ouvrage.

Pourquoi ce livre ?

La ministre de la Santé Agnès Buzyn a toujours minimisé ce qui se passait dans les services pour ne pas augmenter le budget hospitalier. « Ce n’est que quelques services qui sont en grève », a-t-elle répété. Nous avions le sentiment d’être dépossédés de notre parole, alors même qu’il y avait à la rentrée de septembre deux fois plus de services en grève qu’en juin. L’idée était de redonner la parole à celles et ceux qui exercent le métier, de montrer, en partant de la clinique de l’activité, du travail réel que nous réalisons chaque jour, que ça dysfonctionne à tous les niveaux. Et par extension, de faire comprendre aux lecteurs et aux patients que les plans proposés ne correspondent pas aux besoins. Le Collectif Inter-Urgences a toujours été dans une situation particulière, avec une posture qui est à la fois analytique et militante. Le livre reflète cette position.

Le livre veut aussi amorcer une démarche de libération de la parole dans un milieu où règne une culture de la terreur et donc du silence.

L’objet de l’ouvrage est aussi d’amorcer une démarche de libération de la parole dans un milieu où règne une culture de la terreur et donc du silence. La logique comptable imposée à l’hôpital il y a vingt ans a mis en concurrence les services. Cela nourrit la méfiance, la défiance et les critiques. Contre cette culture de l’omerta, nous voulons ouvrir la voie et dénoncer un système qui s’effondre. Nous ne sommes pas seulement soignants. Un jour, nous aussi nous serons des patients.

Le livre est organisé par thème avec une vingtaine de témoins qui prennent la parole à plusieurs reprises. Comment le choix s’est-il fait ?

Nous avons fait le choix de nous concentrer sur quelques professions, même si cela en laisse d’autres de côté comme les sages-femmes ou les assistants sociaux. Il y a donc une proportion importante d’infirmiers (quatorze), cinq aides-soignants et deux médecins. Nous avons retenu les personnes qui se sont proposées lors de l’assemblée générale du Collectif Inter-Urgences où le projet du livre a été exposé, en veillant à respecter une diversité territoriale : à la fois des gros hôpitaux, des CHU, mais aussi des centres hospitaliers périphériques.

Vous dites : « Nous sommes nos premiers fossoyeurs ». Pourquoi ?

Les heures supplémentaires en sont un bon exemple : les paramédicaux acceptent d’en faire car ils ont besoin d’argent, tout en sachant que l’hôpital peut ainsi fermer les yeux sur la nécessité des recrutements.

C’est aussi une question de culture. Les politiques publiques menées depuis des années ont détruit les collectifs de travail, le turnover est élevé alors que le travail est pluridisciplinaire par excellence.

Lire la suite, « Les politiques publiques menées depuis des années ont détruit les collectifs de travail », sur le site www.alternatives-economiques.fr

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