Aïda fait sa tournée à vélo. Bastien est arrivé à La Poste en même temps que le Covid. Ludivine est issue d’une famille de postiers. Martine et Alain seront bientôt à la retraite. Tous, ils ne parviennent plus à assurer la distribution du courrier. Ils sont en grève depuis le 18 octobre.
Ils ont entre vingt-deux et soixante-et-un ans, et depuis la réorganisation de leur tournée, ils ne parviennent plus à assurer la distribution du courrier : les facteurs et factrices d’Albertville sont en grève depuis le 18 octobre 2021, rejoints par celles et ceux de Chambéry depuis le 3 décembre.
Tous, ils dénoncent le manque de personnel et les nouvelles cadences infernales qui les empêchent de faire leur tournée consciencieusement. Aïda, factrice depuis douze ans raconte comment ses conditions de travail se sont lentement dégradées pour un salaire qui n’a pas beaucoup augmenté et qui plafonne à 1330 euros. Aujourd’hui, elle dit ne plus réussir à finir sa tournée : « On y arrive pas, […] on a plus le temps » Aïda
Avec la nouvelle réorganisation, les facteurs ne peuvent plus, comme autrefois, assurer leur fonction de relais social : comme l’explique Ludivine, ils n’ont désormais plus de temps de s’arrêter pour discuter avec une personne isolée, rendre un service à une personne âgée ou simplement donner un renseignement à un usager. Effectivement, pour la distribution d’un courrier recommandé, les facteurs et les factrices n’ont à présent qu’une minute et trente secondes…
« Tout est calculé par un ordinateur. […] C’est la fin de notre métier en fait ! »
Ludivine
Bastien, 22 ans, est lui aussi dans la rue pour dénoncer un rythme qu’il a du mal à tenir.
« J’ai déjà pleuré à la fin d’une tournée ! […] Moi, j’ai beau aller super vite, être jeune et dynamique quand on me met une tournée comme la semaine dernière avec 100 km, on peut finir qu’aux larmes, à être crevé et ne plus pouvoir rien faire. »
Bastien
Proche de la retraite, Alain, lui, était facteur titulaire dans un petit village qu’il connaissait très bien ; il a été récemment affecté à une tournée de ville. Comme Martine, 59 ans qui a été projetée dans une nouvelle ville pour la configuration de laquelle elle n’a jamais été formée, il regrette de ne pas bien connaître les lieux, d’avoir perdu le lien de confiance qu’il consolidait depuis des années avec les habitants de son ancienne tournée et de ne pas avoir le temps de renouer un véritable contact avec les usagers.
« Aujourd’hui, on n’est plus des facteurs, on est des distributeurs. »
Martine
Plus que pour de meilleures conditions de travail, les facteurs et les factrices en grève disent lutter pour l’existence d’un service public de qualité. Selon les manifestants, les premières victimes de cette réorganisation, ce sont les usagers eux-mêmes.
« Un truc qui m’a choquée : je connaissais les numéros de rue où des gens habitent depuis 20 ans. Dans la nouvelle réorganisation, ils ont disparu. Je veux dire, ils n’apparaissent pas sur le casier ! Ça fait que ces gens là, ils n’ont plus leur courrier correctement. »
Martine
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