Vincent Baud : « La prévention des risques ne peut pas se limiter à la QVT »

Stress Travail et Santé

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Tour à tour directeur d’usine, ingénieur-conseil en Carsat et consultant-formateur, Vincent Baud signe un livre sur l’état de la prévention des risques professionnels en France et ses nécessaires mutations, au titre provocateur :  » La QVT – En finir avec les conneries « .

Un article d’Antoine Bondéelle et Delphine Vaudoux pour le site www.travail-et-securite.fr

Travail & Sécurité. Pourquoi un titre aussi rude, qui ne semble parler que de qualité de vie au travail (QVT), alors que votre livre présente de nombreux développements sur l’état de la prévention des risques professionnels et ses relations avec la QVT ?

Vincent Baud. Parce que la place de la QVT dans les questions de santé et sécurité au travail a été pour moi l’indignation de trop face aux défis considérables que pose la santé des travailleurs en France actuellement. Après des décennies de réglementation, de dispositifs qui se veulent vertueux dans leurs fondements, de textes qui ne devraient souffrir d’aucune interprétation, la santé au travail n’a jamais paru aussi fragile et morcelée.

Quels sont les manquements les plus criants dans la prévention des risques telle qu’elle est pratiquée ?

V. B. D’après l’OMS, « la santé est un état complet de bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». De nombreux textes officiels, censés protéger la santé des travailleurs, viennent en appui de cela. Mais on constate que, dans la plupart des entreprises, tout cela s’applique – imparfaitement – surtout aux blessures physiques. Quid de la santé mentale et sociale ?

C’est-à-dire ?

V. B. Une phrase me revient souvent : « Le travail est bon pour la santé… à condition, toutefois, d’être bien fait ». Cette perception de la santé au travail provient du fait que la culture de l’entreprise est celle des constats objectifs, factuels, et que l’accident répond à cette objectivité. Cela a tendance à rendre aveugle aux blessures « non physiques », et à générer une déficience majeure vis-à-vis des déterminants organisationnels (charge de travail, autonomie…) et relationnels, plus subjectifs, qui influent sur le comportement des salariés. Lors de l’analyse d’un accident, les causes qui relèvent de la technique sont bien traitées. Mais sur l’organisationnel, on s’arrête le plus souvent au port des équipements de protection individuelle, au non-respect des consignes sans chercher à savoir pourquoi ces dernières ont été négligées. Par exemple, sur un accident grave d’une entreprise sous-traitante, les causes identifiées étaient la précipitation et le non-respect de visite préalable. Les actions se sont bornées à un rappel de procédures et une menace d’exclusion. Personne n’était remonté aux conditions d’accueil des sous-traitants qui ne permettaient pas de faire ces visites, ce que tout le monde reconnaissait, et ce qui va donc reproduire les mêmes effets ! On en arrive à une hyperindividualisation du risque qui désigne trop souvent les salariés seuls responsables de leurs actes.

« Afficher « safety firs » à des salariés qui n’ont pas les capacités de le faire explose tout le sens du message. »

Pour agir sur l’organisation et les relations au travail, il faut pouvoir en débattre avec les travailleurs concernés, ce qui demande des compétences et du temps. Or, dans des entreprises guidées par une rentabilité à court terme, ce temps d’écoute et de réponses « pour demain » se heurte aux exigences « pour aujourd’hui ». Enfin, si elles se sont focalisées sur les seules blessures physiques, c’est aussi pour des raisons assurantielles : celles-ci représentent 93 % des préjudices reconnus, et donc des coûts et enjeux juridiques. L’obsession du « zéro accident » met à mal les fondamentaux de la prévention : ne cibler que cet objectif conduit presque mécaniquement à la sous-déclaration et à laisser de côté la santé mentale. Pire encore : afficher « safety first » à des salariés qui n’ont pas les capacités de le faire explose tout le sens du message.

Vous dressez d’ailleurs un constat plutôt alarmant sur la santé mentale au travail…

V. B. Une blessure physique se voit, une blessure mentale (sentiment d’humiliation, épuisement, etc.) s’écoute. Or, la personne qui reçoit le récit du salarié victime d’une souffrance psychique dans le cadre du travail se voit souvent assimilée à son « greffier », voire son avocat. Son constat, encore aujourd’hui, fait débat, et la victime est souvent ramenée à sa propre « faiblesse ». Tout le contexte est trop vite résumé à la dimension individuelle. Comment construire alors une prévention respectueuse des individus et des collectifs si l’on n’agit pas sur les déterminants organisationnels et relationnels qui affectent leur santé ? Or le Code du travail est clair : l’employeur est responsable de la santé physique et mentale de ses travailleurs. Mais je n’ai jamais vu d’arbre des causes à la suite d’un burn-out…

Lire la suite de l’entretien sur le site www.travail-et-securite.fr


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