Santé des femmes au travail : des maux invisibles – Rapport d’information n° 780 (2022-2023)
Rapport d’information fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur la santé des femmes au travail par Mmes Laurence COHEN, Annick JACQUEMET, Marie-Pierre RICHER et Laurence ROSSIGNOL, Sénatrices. Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 juin 2023.
Santé des femmes au travail : rendre visible « l’invisible qui fait mal »
Usure physique et psychique, troubles musculo-squelettiques, cancers : les répercussions du travail sur la santé des femmes sont encore largement méconnues et minimisées. De même, les difficultés associées à la santé sexuelle et reproductive des femmes sont encore sous-estimées voire ignorées dans le monde du travail.
Le manque de reconnaissance de la charge physique et mentale du travail des femmes est ainsi à l’origine d’impensés féminins dans la conception et la mise en œuvre des politiques de santé au travail.
Les rapporteures ont mené pendant plus de six mois des auditions et déplacements sur le terrain afin de mettre des mots sur ces maux et de rendre visible « l’invisible qui fait mal ». Elles formulent vingt-trois recommandations autour de trois grands axes : chausser systématiquement les lunettes du genre ; développer et adapter la prévention à destination des femmes ; mieux prendre en compte la santé sexuelle et reproductive au travail, en particulier les pathologies menstruelles incapacitantes et les symptômes ménopausiques.
I. Un défaut durable et préjudiciable d’approche genrée en matière de santé au travail
A. Des données sexuées incomplètes et encore insuffisamment exploitées
Si la santé des femmes au travail a fait l’objet de recherches en sciences sociales, elle a peu été étudiée sous l’angle de l’épidémiologie et des politiques de santé publique. Les statistiques sexuées demeurent parcellaires. À titre d’exemple, la Direction générale du travail (DGT) n’a pas été en mesure de fournir aux rapporteures des données par sexe sur la répartition des arrêts maladie ou le suivi effectué par les services de prévention et de santé au travail. La Cnam quant à elle n’exploite pas les statistiques sexuées dont elle dispose pourtant. En outre, les recherches épidémiologiques manquent encore sur les secteurs à prédominance féminine, en particulier du care ou du nettoyage. Or, sans connaître, comment prévenir et comment réparer ?
Au-delà des données sexuées, les maladies à caractère professionnel sont imparfaitement connues, en raison d’un double phénomène :
B. Un aveuglement au genre à l’origine d’une focalisation sur « l’homme moyen »
Les postes de travail et les équipements – y compris les équipements de protection individuels (EPI) – sont basés sur les références anthropométriques d’un « homme moyen ».
Des craintes de discrimination freinent la mise en œuvre de l’évaluation sexuée des risques professionnels prévue par la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Les politiques publiques de prévention et de réparation des risques professionnels ont d’abord été pensées pour des travailleurs masculins et les risques liés aux métiers masculins.
Les pathologies non-professionnelles ayant des conséquences sur l’activité professionnelle ne sont pas prises en compte sous le prisme du genre. Or, la question du maintien et du retour dans l’emploi après un cancer se pose, par exemple, davantage pour les femmes, atteintes en moyenne à un âge plus précoce.
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