Nouvelle condamnation de la RATP pour harcèlement moral.

Comment les Juges Jugent, Harcèlement Sexuel

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Discrimination à l’encontre d’une salariée qui a révélé du harcèlement sexuel : condamnation de la RATP par la Cour d’appel de Paris – Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail

Le 2 mai 2018, la Cour d’appel de Paris a condamné la RATP pour discrimination et harcèlement moral liés à la dénonciation d’une situation de harcèlement sexuel remontant à 2013.
Mme S. est embauchée en tant qu machiniste receveuse (conductrice de bus) par la RATP en octobre 2012. Affectée dans un centre-bus, elle fait rapidement part au feuilliste, son supérieur hiérarchique, M. M., de sa volonté de travailler de nuit pour pouvoir assurer ses charges familiales la journée. Ainsi va la vie des femmes…
Ce supérieur hiérarchique, qui occupe un poste stratégique dans les entreprises de transport puisqu’il se charge de la logistique des plannings des conducteurs, se comporte de façon intrusive avec Mme S., ce qui la met mal à l’aise (contact physique appuyé lors de la bise, remarques sur son physique, questions sur sa vie privée).
Le 13 mars 2013, M. M. lui propose d’avoir des relations intimes. Choquée, elle refuse, lui rappelle qu’il est marié et qu’il vient d’avoir un enfant. Il réitère dix jours plus tard et Mme S. lui oppose le même refus. Elle parvient à en parler à deux de ses collègues et fait alors son possible pour l’éviter (éviter de se retrouver dans son bureau, utilisation d’une entrée normalement interdite pour ne pas le croiser…).
Face à ce refus affirmé de sa subordonnée, M. M. commence à imposer à Mme S. des heures de travail qui ne lui conviennent pas, la prévient au dernier moment de ses horaires, et lance des rumeurs sur elle. Ses conditions de travail, et notamment relationnelles avec ses collègues, se détériorent considérablement. Sa santé également en est affectée ; elle a deux accrochages en conduisant son bus alors que ça ne lui était jamais arrivé.
Mme S décide un mois plus tard de faire part de ces agissements à sa cheffe d’équipe. Une réunion est organisée avec la RH de leur lieu de travail. Celle-ci explique qu’elle ne peut prendre de sanction contre le feuilliste, car « ils ne courent pas les rues». Elle propose une mutation à Mme S. pour « la protéger ». Cette proposition de mutation est renouvelée plusieurs fois. C’est l’injustice de cette situation – la victime qui doit partir et le harceleur maintenu à son poste – qui pousse Mme S. à saisir l’AVFT (Association Européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail).
Mme S. est placée en arrêt de travail.

Le soutien de l’AVFT

L’AVFT aide Mme S. à établir un récit précis, détaillé et circonstancié et à rédiger une lettre dans laquelle elle informe officiellement son employeur des agissements du feuilliste. Elle obtient ainsi une rencontre avec la direction de la RATP le 29 juillet 2013, qui saisit le CHSCT, reconnaît son arrêt-maladie comme accident du travail, et met en place une enquête interne.
Parallèlement, l’AVFT adresse également une lettre à la RATP pour rappeler le transporteur à ses obligations, aussi bien dans le dossier de Mme S. que celui de Mme D., autre agente RATP que l’AVFT soutient dans ses démarches.
Malgré cela, les difficultés que rencontre Mme S. dans ses démarches ne cessent de croître, notamment en octobre 2013, lorsqu’elle est informée du rapport d’enquête interne qui conclut à une absence de harcèlement sexuel. Sa plainte est classée sans suite en janvier 2014, et la CPAM refuse de reconnaître son accident du travail comme tel.
L’AVFT saisit alors le Défenseur des Droits de la situation de Mme S, ainsi que de celle de Mme D., et lui fournit un dossier comprenant les premiers éléments de compréhension du dossier. Le DDD réalise une enquête complète en auditionnant les différentes personnes mises en cause courant automne 2014. Il décidera ensuite de présenter des observations devant le Conseil de prud’hommes puis devant la Cour d’appel.
L’AVFT écrit de nouveau à la direction de la RATP le 31 janvier 2014, pour lui faire part des discriminations subies par Mme S. suite à la dénonciation du harcèlement sexuel dont elle a été victime. Suite à cette lettre, Laure Ignace et Laetitia Bernard, juristes à l’AVFT, rencontrent M. Pitron, alors secrétaire général du groupe RATP, Marie Christine Raoult, chargée de mission accessibilité et Boris Huart, responsable de l’entité droit social, pour discuter des conditions de réintégration de Mme S. au sein de son unité.
Ce rendez-vous semble porter ses fruits, puisque sept jours plus tard, Mme S. reprend le travail, avec un accompagnateur qui vérifie qu’elle est toujours apte à exercer son activité. Mais Mme S est finalement mise à pied en raison d’erreurs de conduites qui sont directement liées au stress généré par cette situation : en effet, comment imaginer qu’après avoir été victime de harcèlement sexuel, qu’après 8 mois d’arrêt-maladie, une reprise qui a été obtenue au forceps, Mme S. puisse de nouveau conduire un bus sereinement ? La médecine du travail refuse cependant son licenciement pour conduite dangereuse. La RATP forme un recours hiérarchique contre ce refus, qui n’aboutira pas.
Mme S. réalise un stage en juillet 2014, afin de pallier ses difficultés professionnelles, qui se déroule plutôt bien. Elle est donc très choquée lorsqu’elle apprend que son rapport de stage n’est pas du tout positif. Elle saisit alors les Prud’hommes le 24 juillet 2014, avec l’aide de l’AVFT, qui l’oriente vers Me Maude Beckers.
Mme S. est contrainte d’accepter un reclassement, un crève-cœur pour celle qui avait toujours rêvé de conduire des bus.
L’AVFT a gardé un contact téléphonique régulier avec Mme S, la réconfortant et la remotivant plus d’une fois, jusqu’aux audiences prud’homales et devant la Cour d’appel, dans lesquelles l’association est intervenue volontairement.

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