La justice manque de tout : d’effectifs, de place, de stylos bleus, de temps… Une telle pauvreté rend impossible le quotidien des magistrats. Mais elle a également des répercussions concrètes sur la vie des justiciables. Six magistrats racontent comment l’indigence engendre l’injustice.
L’État est sur le banc des accusés. Et même le meilleur des avocats aurait du mal à justifier sa conduite (voir le compte-rendu du procès fictif qui lui a été intenté ce lundi à Créteil). Partout en France, dans toutes les juridictions, les moyens manquent. Depuis des années, les témoignages affluent sur cet exercice impossible. À titre d’exemple, un juge palois nous a raconté qu’une audience de comparutions immédiates avait dû s’achever il y a quelques semaines à la lumière du téléphone portable du président, la dernière ampoule de la salle ayant rendu l’âme.
Parfois, la situation d’un tribunal émerge, comme récemment, à Bobigny. Ou celle d’une juridiction, comme les conseils des prud’hommes. Mais quelques annonces de moyens alloués, pas toujours suivies d’effets, n’y changent rien : faute d’effectifs, les magistrats sont sur les genoux. Et la justice, à terre.
Cet état d’indigence a d’abord des conséquences pour les justiciables. Les délais d’attente déraisonnables peuvent engendrer des condamnations de la part des tribunaux européens. Ils peuvent surtout générer des situations inhumaines. Afin de mesurer concrètement cette réalité, nous avons demandé à six magistrats, à des postes très différents, dans des endroits disparates, de nous raconter une situation à laquelle ils avaient été confrontés récemment. Et pour laquelle le manque de moyens avait eu des répercussions palpables. Voici leurs récits.
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