Café Citoyen Santé Travail : « 2023, les nouveaux visages de la souffrance au travail »

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En ce tout début d’année 2023, Marie PEZÉ, initiatrice du premier réseau de consultations spécialisées en souffrances au travail, revient pour faire le point sur les nouveaux visages de la souffrance au travail. Car même ces souffrances liées au monde du travail, évoluent, souvent, trop bien ! Une analyse vitale pour se préparer…

Les nouveaux visages de la souffrance au travail : des modèles organisationnels de plus en plus pathogènes

Avez-vous remarqué que celles et ceux qui s’en sortent dans les organisations actuelles du travail ne sont pas les plus forts ni les plus intelligents, mais les plus rapides ? L’augmentation de la cadence des tâches à accomplir, présente partout dans tous les secteurs professionnels, la densification des tâches, pulvérisent toutes les limites neurophysiologiques et biomécaniques. L’intensification et la densification du travail ont pour corollaire la production d’un travail abîmé, souvent sans moyens suffisants, qui en retour compromet la dynamique de la reconnaissance.

L’intensification du travail, l’accroissement inatteignable des objectifs, la convivialité stratégique, l’évaluation individualisée du travail sont autant de modèles organisationnels assurant la perte des solidarités et organisant la solitude de celui qui travaille. Le sujet qui affronte authentiquement le travail avec l’espoir qu’au bout de l’effort il y aura le succès et l’émancipation doit, une fois le voile déchiré, reconnaître qu’il s’est trompé, revoir sa vie… sinon, le risque de se suicider sur le lieu du travail devient majeur !

Secteurs privé comme publics sont toujours plus menacés par ces nouveaux visages de la souffrance au travail : penser la prévention, c’est déjà agir !

Avec l’accroissement de modes de gestion aux langages incompréhensibles (la Novlangue managériale) et aux idéaux de rentabilité inaccessibles, avec l’extension, ente autres, du New Public Management dans les fonctions publiques, on constate que les souffrances au travail ne font que s’infiltrer toujours plus dans la société : après France Télécom, puis la destruction du travail dans le monde hospitalier, à La Poste, dans les transports publics (SNCF), les burnout et suicides ne font que croître. Désormais, c’est le monde de l’enseignement, de l’Éducation Nationale, qui se trouve dans le viseur de ces méthodes de gestions pathogènes.

Partout, les individus deviennent des esclaves de la quantité, au détriment de la qualité.

Les corps et les esprits cèdent. Partout.

Un constat certes amer, hors de la mode de la happycratie, qui a pour objectif de penser la prévention, penser la défense de nos corps et de nos cerveaux face à ces méthodes pathogènes qui continuent de croitre.

L’intervenante : Marie Pezé

Marie Pezé, Souffrance au travail, psychanalyste, psychologue, fondatrice du réseau de consultations sur les souffrances au travail

Marie PEZÉ est Docteure en Psychologie, psychanalyste, ancien expert auprès de la Cour d’Appel de Versailles. Elle a créé la première consultation Souffrance et travail en 1997 au Centre d’Accueil et de Soins Hospitaliers de Nanterre. Il en existe désormais (en 2022) plus de 200.

Elle a été, par ailleurs, responsable pédagogique du certificat de spécialisation en psychopathologie du travail qu’a lancé Christophe Dejours en novembre 2008 au CNAM. Elle est également Membre Fondateur du Groupe pluridisciplinaire de Réflexion sur la Maltraitance au Travail. En 2002, elle a participé au groupe de travail sur « le harcèlement moral dans les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux publics » (DHOS, Ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes Handicapées); en 2005, à la commission « violence, travail, emploi, santé » présidée par le Professeur Dejours (dans le cadre de la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004, Ministère des solidarités, de la Santé et de la Famille), puis en 2009 à la Commission Parlementaire UMP sur la Souffrance au Travail. Elle a ouvert sa consultation à de nombreux documentaristes (Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés, de Sophie Bruneau et Marc-Antoine Roudil, J’ai très mal au travail, de Jean-Michel Carré, et La mise à mort du travail, de Jean-Robert Viallet).


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